Vous est-il déjà arrivé, en regardant un film, de vous sentir vaguement mal à l’aise à propos de la manière dont les femmes étaient représentées, sans pouvoir exactement expliquer pourquoi? D’arriver à la fin et de vous demander quel pouvait bien être le nom de la femme sexy qui apparaissait entre la 30ème et la 35ème minute, et qui, en fait, était le seul personnage féminin? De vous dire qu’on aurait pu se passer de ce personnage féminin, qui n’apportait rien à l’action et servait tout juste à mettre les personnages masculins en valeur?
Il existe un outil simple pour interroger la façon dont les femmes sont représentées au cinéma. On l’appelle le « test de Bechdel », du nom de la dessinatrice qui le fait figurer dans un comic en 1985 (cliquez sur l’image pour l’afficher en plus gros).
On peut difficilement faire plus simple. Il s’agit de se poser trois questions:
1/ Y a-t-il plus d’un personnage féminin dans ce film? (Pour être considérées comme des personnages, il faut que ces femmes aient un nom…)
2/ Parlent-elles entre elles?
3/ Parlent-elles entre elles d’autre chose que d’un homme?
Anita Sarkeesian (Feminist Frequency) présente le test dans une de ses vidéos (sous-titres français disponibles en cliquant sur cc en bas à droite):
Comme le montre la vidéo, la liste des films ne répondant pas à ces trois simples critères est impressionnante. Un peu déprimante aussi: on y retrouve un grand nombre de films par ailleurs de très bonne qualité. Je ne m’interdirai certainement pas de regarder à nouveau Le Seigneur des anneaux, mais ce test fournit les outils pour interroger de façon critique les représentations véhiculées par le cinéma ou la télévision, et ne pas avaler toutes cuites ces représentations. Ce n’est pas que déprimant: ça peut être très drôle aussi. Je vous conseille un bon petit film de guerre bien testostéroné après la lecture de ce post, effet garanti.
Il y a quelques jours, j’ai regardé Twilight avec des amis (c’était pour se marrer, hein, je promets) et j’ai été extrêmement frappée par les relations entre les personnages masculins et les, pardon: le personnage féminin, Bella. Elle est constamment en position de vulnérabilité, cela semble être la caractéristique principale de son personnage, ce qui explique qu’elle soit un simple objet de convoitise de la part d’un vampire d’un côté et d’un loup-garou de l’autre (sisi je vous jure, il n’y a pas que des vampires, il y a aussi des loups-garous), sans parler de tous ces méchants vampires (pas les vampires « végétariens ») qui veulent la tuer.
Malgré un contenu apparemment très limité, ce test constitue un point de départ intéressant et permet de se poser des questions importantes. Doit-on accepter que les femmes n’apparaissent que comme des personnages secondaires, voire accessoires, dans des films qui semblent le justifier, les films de guerre par exemple? Cela reflète-t-il la réalité des inégalités entre les genres, et doit-on donc l’accepter au nom du réalisme? Cela ne conduit-il pas à entériner, légitimer et donc perpétuer cet état d’inégalité?
Par ailleurs, ce test soulève aussi la question du caractère stéréotypé des héros habituels au cinéma. Je ne vous surprendrai sûrement pas en disant qu’il ne s’agit pas seulement d’un homme, mais d’un homme blanc et hétérosexuel. Vous trouverez ici une proposition pour adapter le test aux enjeux des relations entre « races ».
Dans cet article, une ancienne étudiante en cinéma pose une question essentielle: pourquoi lui a-t-on appris qu’il fallait préférer écrire des films qui ne réussissent pas ce test? Elle a posé la question à ses professeurs et à des professionnels du cinéma et s’est vue répondre ceci:
The audience doesn’t want to listen to a bunch of women talking about whatever it is women talk about [le public ne veut pas écouter une bande de nanas parler de ce dont les nanas parlent entre elles, quoi que ça puisse être]
Ah?
En lien avec cette question, un article sur les types de personnages les plus courants dans les séries TV. 4 « archétypes », un personnage féminin: la « femme indépendante », du type Carrie Bradshaw dans Sex and the City.
10 films that surprisingly fail the Bechdel Test
Le test appliqué à de nombreux films sur bechdeltest.com
Sur les archétypes féminins dans les films/séries, j’ai lu un article du New Yorker il n’y a pas longtemps qui rajoute un peu d’eau au moulin: http://www.newyorker.com/humor/2011/10/03/111003sh_shouts_kaling?currentPage=all
« The Ethereal Weirdo » est à peu près la même que la « Manic Pixie Girl » de Feminist Frequency il me semble. Bref, j’avais bien aimé l’article!
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