La Commission sur l’image des femmes dans les médias, mise en place en 2008, va remettre un rapport fondé sur différentes auditions et une analyse quantitative et qualitative effectuée du 15 septembre au 15 novembre dernier. Le contenu de ce rapport est révélé en avant-première par Le Parisien.
Des chiffres, d’abord: tous médias confondus, le pourcentage de présence des femmes dans les médias est de 18%, ce qui laisse dont 82% de la place (et du temps de cerveau disponible) pour les hommes. Le rapport a comptabilisé 185 expertes, contre 822 experts. En outre, les rares intervenantes ont eu, en moyenne, un temps de parole sept fois inférieur à celui de leurs homologues masculins. L’une des conclusions de ce rapport, outre le manque évident et aberrant de représentativité, est donc, comme le résume Michèle Reiser, présidente de la Commission et membre du CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel), que « la légitimité du savoir reste masculin ».
Comme souvent, la langue est le reflet de cette situation qui exclut largement de l’expertise professionnelle la moitié de la société. J’ai consulté deux dictionnaires de référence: le Petit Robert et le Trésor de la Langue Française. Les notices font apparaître les formes de masculin et de féminin dans leur titre: « expert, experte », ces termes pouvant être des noms ou des adjectifs. Mais on se rend vite compte que l’emploi de la forme féminine du nom pose problème. Le TLF propose un seul exemple faisant apparaître l’adjectif experte, pour illustrer le sens de « D’une habileté purement technique, qui exclut ou tue les sentiments, l’imagination. »
La fille peinte et parée comme une idole qui accomplit rituellement les gestes de l’amour, la fille experte et froide, précautionneuse comme une infirmière, indifférente comme la mer… (Vailland, Drôle de jeu).
Le problème principal est là: alors qu’expert est très positif, experte est ambivalent et comporte une connotation sexuelle. Pour le sens de « personne experte », Le Petit Robert propose les exemples suivants: Cette femme est un expert en la matière, Elle est expert près les tribunaux (?). La notice comporte la remarque suivante:
On rencontre parfois le féminin: L’Express, 1989: « Réponse de l’experte après enquête« .
Quand je tape sur Google le mot-clé « experte », le second résultat (après un le site d’un dictionnaire en ligne) est le suivant:
Alors oui, évidemment, il s’agit bien d' »expertes ». Mais n’y a-t-il donc que des assistantes, et pas d’assistants? Le site n’a pas l’air très à l’aise avec le genre grammatical: il propose « le dossier complet de l’assistante », mais comporte une rubrique « nos candidats » présentant des femmes et des hommes. Ca ne doit pas être facile tous les jours, pour un homme, de faire ce métier. Mais bon, au moins comme ça les hommes restent entre eux: vous noterez que le boss à gauche (qui a l’air ravi) est un homme.
Le 4ème résultat renvoie vers un livre vendu sur Amazon et intitulé Osez… Les secrets d’une experte du sexe pour rendre un homme fou de plaisir. Le 6ème renvoie vers une vidéo humoristique (pas très réussie) intitulée « Experte en succion ».
C’est sûrement cette connotation sexuelle qui freine l’emploi du terme au féminin dans des domaines d’expertise professionnelle. Ainsi, l’association Vox Femina, créée pour « promouvoir une représentation équilibrée et non stéréotypée des femmes dans les médias », se présente ainsi sur son site: « Paroles d’Experts au féminin ». J’imagine que ce détour linguistique (qui rappelle l’expression à la mode « l’entreprenariat au féminin ») est censé éviter de mauvais jeux de mots ou des associations d’idées incongrues pouvant être suscitées par la promotion de « paroles d’Expertes ». Le site décrit ainsi les moyens d’action de cette association:
Plateforme interactive, voxfemina propose aux journalistes un accès privilégié à un vivier de femmes qualifiées pour donner un avis d’expert dans leur domaine de compétence.
A la lecture des résultats du rapport sur la représentation des femmes dans les médias, on se dit que ce beau projet devrait tenir l’association occupée pour quelques décennies.
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