Elle s’appelle Sakineh Mohammadi Ashtiani

Souvenez-vous: on a beaucoup parlé, surtout en 2010, de Sakineh Ashtiani, accusée depuis 2006 du meurtre de son mari et d’adultère. Reconnue coupable par la justice iranienne, elle a été condamnée à 10 ans de prison pour le meurtre, à la mort par lapidation pour l’adultère. Elle avait déjà subi 99 coups de fouet.

Une manifestation avait été organisée en septembre 2010 à Paris, sous l’impulsion notamment de l’incontournable Bernard-Henri Lévy, pour réclamer l’abandon des charges devant la manipulation évidente des éléments du dossier et surtout, que l’Etat iranien renonce à lapider Sakineh.

Petite mise au point. L’article des Inrocks en lien plus haut explique ce qu’est la lapidation, dans quelles conditions elle est infligée et rappelle que cette pratique est loin d’avoir disparu. Selon le Comité International contre la Lapidation, plus de 150 personnes auraient été lapidées en Iran entre mars 1980 et juillet 2010. Les hommes sont enterrés jusqu’à la taille, les femmes jusqu’au-dessus de la poitrine, pour subir le châtiment. Ces dernières sont de loin les plus concernées.

Une femme est enterrée avant d'être lapidée - Iran - source: Daily Mail, UK

Le code pénal iranien précise que les pierres ne doivent pas être trop grosses, pour éviter que la personne meure trop vite, ni trop petites pour être qualifiées de pierres.

La bonne nouvelle, c’est que Sakineh, apparemment, ne va pas mourir par lapidation. La mauvaise, c’est qu’elle va peut-être être pendue. Mais un communiqué suggère que l’option de la lapidation n’a pas été abandonnée: il semble que les autorités iraniennes restent délibérément vagues quant au sort qu’elles réservent à Sakineh, après la vague d’indignation qui a semblé lui éviter la lapidation l’année dernière.

J’étais présente à la manifestation de septembre 2010 à Paris, comme quelques centaines d’autres personnes. La mobilisation a été internationale. Ce qui me met toujours mal à l’aise, dans ce genre de mobilisation, c’est la façon dont le sort réservé à une personne peut susciter l’indignation quand la famille, ou une association parvient à l’amaner sur le devant de la scène; cette capacité d’indignation est importante, mais se focalise sur le sort d’une personne, pendant que des centaines d’autres meurent, inconnues, dans des conditions similaires. Mais je suis convaincue qu’il est important qu’un visage, un être humain, puisse concentrer cette capacité d’indignation et servir à attirer l’attention sur les autres victimes connaissant un sort semblable. En revanche, le caractère éphémère de cette indignation me met beaucoup plus mal à l’aise.

Un journaliste, Tristan Berteloot, écrivait ainsi sur Twitter, le 26 décembre: « Vous vous êtes indignés, bravo. Puis vous êtes passés à autre chose, comme souvent. Sakineh ne sera pas lapidée, elle sera pendue. »

Le web français ne semble pas se mobiliser outre-mesure pour Sakineh. Une pétition a été mise en ligne. Ce moyen, comme toujours, semble dérisoire face à l’horreur de la situation et l’on se demande comment une pétition pourrait influencer les ayatollahs; et pourtant, que faire d’autre? Manifester, sûrement, mais ce serait bien une première, il me semble, si l’Iran renonçait à éxécuter Sakineh sous la pression internationale. Et je doute que les communiqués officiels soient plus efficaces.

Bien que les féministes françaises soient assez actives sur Twitter, il ne se passe quasiment rien de ce côté-là, alors que le Twitter hispanophone est très actif autour du hashtag #SalvemosaSakineh. Je ne fais absolument pas partie des gens qui accusent les féministes de ne se préoccuper que de sujets secondaires: cela n’existe pas, les sujets secondaires, quand ce qu’on vise est un changement radical des mentalités. En revanche, il me semble que la cause de Sakineh devrait passer aujourd’hui au premier plan, et pas que pour les féministes, et pas que pour quelques semaines. Parce qu’on sait bien ce qui arrivera à Sakineh lorsqu’elle sera totalement oubliée des indignés du monde entier.

Une réflexion sur “Elle s’appelle Sakineh Mohammadi Ashtiani

  1. « la cause de Sakineh devrait passer au premier plan », ce qui me dérange et m’a dérangé dans cette histoire, c’est que c’est la lutte pour l’abrogation de la lapidation pour commencer, puis de la peine de mort, puis des procès pour sexualité déviante qui devrait passer au premier plan, jusqu’à abolition totale.

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