On le sait, mais il faut le dire et le répéter, et puis cela fait du bien de l’entendre: la plupart des femmes dans la publicité ne sont pas de « vraies femmes ». Même quand il s’agit de mannequins ou d’actrices, donc de « belles femmes », a priori, selon les normes en vigueur, les images sont retouchées, et souvent outrageusement.
Voici une vidéo qui le dit très bien et le montre par de nombreux exemples. Elle évoque notamment la réaction de Kate Winslet à une photo parue en couverture de GQ, où son corps avait été largement modifié pour la faire apparaître plus mince qu’elle n’est. Kate Winslet avait déclaré qu’elle ne ressemblait pas à cela, et, plus important, qu’elle ne voulait pas ressembler à cela. La vidéo est en anglais, mes excuses aux non-anglophones parmi vous.
Cette uniformisation arbitraire, en fonction des critères de beauté d’une société donnée à un moment T, est non seulement choquante et malhonnête, elle a des conséquences parfois dramatiques sur l’estime de soi et la façon dont on trouve sa place dans la société.
Elle se manifeste parfois de façon extrême, et selon moi révoltante, comme avec cette campagne d’H&M. Regardez bien ces corps: leur posture est étrangement semblable, non? On peut le dire cette fois sans guillemets: il ne s’agit pas de vraies femmes, mais d’images générées par ordinateur.
Le culte de la minceur, qui touche principalement les femmes mais aussi les hommes, a une autre conséquence directe: la mise au ban de la société des « gros », des « hors-normes ». Un article stupide et haineux, intitulé « Je déteste la pub Castaluna », a fait le buzz il y a quelques semaines. La pub Castaluna en question, la voici.
A en juger par le scandale provoqué par l’article, ainsi que par les commentaires sur la page YouTube, je ne suis pas la seule à trouver cette pub, et la femme qui y joue, très belles. Quelque chose me frappe dans les commentaires que je lis et entends à son propos: beaucoup tournent autour de l’idée « voilà une vraie femme », comme ce commentaire sur YouTube: « Une femme, avec un grand F !!!! Enfin !… » Je suis tout à fait d’accord, si on compare cette publicité aux images retouchées voire générées numériquement dont je parlais plus haut. Cependant l’expression « vraie femme » ici sous-entend également autre chose: c’est qu’une femme aux formes épanouies incarnerait l’essence de la féminité (« une Femme avec un grand F »). C’est là une idée très ancienne, qui remonte même aux sources de l’humanité: les formes pleines ne sont pas seulement celles de la femme, mais celles de la femme fertile, la femme mère. Des cultes auraient été rendus, à la fin de la Préhistoire, à une figure féminine à travers laquelle on adorait la Terre, la fertilité et la fécondité.
Malgré la mode, malgré les images qui nous environnent, les formes d’une femme restent inconsciemment liées à sa qualité de mère potentielle, une « vraie femme » étant celle qui peut donner la vie.
Vous me direz peut-être que je vais un peu loin, mais il me semble important de souligner que malgré les couches supérieures de notre imaginaire, constituées notamment par ces images omniprésentes qui définissent et assènent les normes de beauté, nous restons profondément marqués par ces conceptions très anciennes de la féminité. Je ne limite pas le goût de certain.e.s pour les femmes rondes à cette idée, évidemment…
Cette forme d’essentialisme inconscient (le fait d’attribuer aux êtres une essence immuable, définie en l’occurrence, pour les femmes, par la maternité) se retrouve parfois de manière plus directe dans la publicité. Castaluna ne joue absolument pas sur cet essentialisme, mais certaines publicités véhiculent des stéréotypes sur ce qu’est « une vraie femme ». Si les femmes se définissent par leur capacité fécondante, alors les règles sont un attribut essentiel de la féminité. C’est en résumé ce qui justifie cette publicité, qui se veut drôle, pour la marque de tampons Libra en Nouvelle-Zélande.
Non seulement cette publicité essentialise la femme, en faisant des menstruations LE critère définitoire de la féminité, mais elle réactive pour cela les codes de la transphobie la plus primaire: les trans ne font que jouer à être des femmes, ne font qu’imiter les femmes, puisqu’ils/elles ne pourront jamais ETRE des femmes, puisqu’ils/elles n’ont pas de règles. Les personnes transgenres chercheraient donc à compenser cette infirmité biologique par l’outrance de leur maquillage et de leurs attitudes, mais dans un monde où être une femme signifie avoir ses règles, ces personnes sont condamnées à l’excès et au ridicule. Le site Hollaback propose une analyse intéressante de cette publicité.
Je pense que les transsexuel-les reprennent beaucoup les stéréotypes féminins/ masculins véhiculés par la société afin de se définir en tant qu’homme ou en tant que femme.
Par exemple, la société a tendance à associer le maquillage, l’épilation,les robes, les coiffures à la féminité, alors que selon moi tout ce superflu n’a absolument rien de féminin. Je n’ai pas recours à tous ces accessoires artificiels, et ce n’est pas pour autant que je ne me sens pas femme. Mon vagin, mon clitoris, mes seins, et mes estrogènes, me suffissent pour me faire comprendre que je suis une femme, et je ne vois pas en quoi tout ce superflu qui n’est pas attaché au corps biologiquement féminin ou masculin peuvent nous rendre femme.
Je pense qu’un homme qui se maquille, met des talons et des jupes, n’est pas un homme effémine, et encore moins un travesti. Car moi-même, je mets des vêtements mixtes, je ne m’épile pas et ne me maquille pas, et ce n’est pas pour autant que je me sens travestie au sens « masculine », ça c’est la société qui me définit en tant que telle, mais moi je sais pertinemment qu’il faut cesser de sexualiser les accessoires qui prétendent construire nos identités sexuelles, car au fond, c’est peut-être ça qui amène les personnes à avoir recours à la chirurgie esthétique puisqu’ils croient que leur corps n’est pas en accord avec leur sentiment d’appartenance. Et pour éviter ce conflit qu’ont certaines personnes vis à vis de leur corps biologique, il faut laisser les accessoires et objets désexualisés comme c’est le cas en Suède dans les écoles maternelles. Pour en revenir à un homme qui se maquille met des talons et des robes, il est tout simplement quelqu’un de sophistiqué, superficiel, et non pas un travesti, puisque si on continue à employer le terme de travestissement, on continue donc à préserver nos stéréotypes sexués/ genrés. Ce qui rend la chasse aux discriminations et l’accès à l’égalité beaucoup plus difficiles…
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Je n’emploie pas le terme « travesti » car il ne désigne que l’acte de prendre l’apparence d’un genre qui n’est biologiquement pas le sien… Je préfère parler de personne transgenre, éventuellement de personne transsexuelle, comme vous le faites. Mais il me semble qu’il faut différencier le cas des hommes, par exemple, qui s’habillent de manière « efféminée » et celui des personnes transgenres. Dans le second cas, il s’agit d’une volonté délibérée d’afficher dans sa manière d’être et dans son apparence ce qu’on pense être sa véritable identité de genre, et cela va beaucoup plus loin que le simple fait d’adopter des attitudes, des vêtements ou des accessoires associés à « l’autre genre » (si tant est qu’on puisse parler de 2 genres seulement…). De même que chacun.e affiche son genre par son apparence, réinvestir les stéréotypes ou tout simplement les codes liés à l’un ou l’autre genre paraît logique et essentiel, mais comme je l’ai dit, il ne s’agit pas d’un simple « travestissement », ou déguisement, mais d’une revendication en acte. Ces codes prennent alors, selon moi, une valeur totalement différente, en tant que ces codes exhibent justement leur nature de stéréotypes et prennent alors une signification différente. Il ne me semble pas qu’une personne transgenre homme-femme ne fasse que perpétuer des stéréotypes: elle les interroge par sa façon d’habiter son genre. C’est justement en voyant ces codes réinvestis (le maquillage par exemple) par des personnes transgenres que l’on se rend le mieux compte du fait qu’il s’agit de codes, et rien de plus, de signes extérieurs de féminité, en quelque sorte.
Pardon, je ne suis peut-être pas très claire, je suis assez fatiguée… Merci pour ce commentaire qui me pousse à réfléchir plus à la question des transgenres! Mes idées là-dessus n’ont rien de définitif, c’est une espèce de work in progress 🙂
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La publicité, ce n’est que de la publicité!
Dans notre monde actuel, que l’on le veuille ou non, consciemment ou non, tout est question de marketing. Quelque soit le produit que nous désirons vendre, y compris nos services personnels et professionnels, nous cherchons tous, consciemment ou non, à embellir le produit.
Tous et chacun, ont droit à leur opinion et majoritairement, tous ceux qui s’élèvent contre une idée ou opinion quelconque le feront parce qu’ils souffrent d’une frustration personnelle ou d’une carence quelconque.
Seuls les pauvres s’élèvent publiquement contre la pauvreté. Seuls les opprimés manifestement publiquement dans les rues. Seuls les laissés pour contre s’élèvent contre le succès. Seuls les homosexuels revendiquent leurs droits à la libre expression de leur sexualité. Seuls les communistes et socialistes s’en prennent au capitalistes et religion s’élève contre religion.
Personnellement, je suis gros et je ne m’élève nullement contre la minceur. Je suis vieux et je ne m’élève nullement contre la jeunesse. Je suis vraiment pauvre et je ne m’élève nullement contre la richesse. Je connais ma valeur et je n’éprouve nul besoin de prouver quoi que soit à quiconque.
La normalité, tout comme pour la féminité et la beauté réside dans les yeux de celui qui regarde: Chacun a droit à son opinion.
Que l’on cesse donc de s’en prendre à tout et à rien!
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Alors, dans l’ordre:
1) Je ne vois pas très bien comment vous pouvez dire à la fois que tout est question de marketing (ce sur quoi je suis assez d’accord) et que « la publicité, ce n’est que de la publicité »… La publicité véhicule des images, des idées et des stéréotypes qui sont censés être la doxa actuelle: il faut être mince, il faut être beau et de telle façon, etc. Par là, la publicité entérine ces discours et leur confère leur légitimité et leur force. Elle est omniprésente dans notre environnement et façonne sans que nous en soyons conscients notre imaginaire, notre façon de voir le monde et notre façon de nous voir nous-mêmes. Il est naïf et dangereux de nier son impact; d’ailleurs c’est bien parce qu’elle a un impact cognitif important qu’elle est tellement centrale dans la société de consommation dans laquelle nous vivions.
2) Si je vous suis bien, je m’élèverais contre la publicité et en particulier contre l’image qu’elle donne des femmes parce que je souffrirais d’une « carence » ou d’une « frustration », et parce que, étant une femme, je suis directement concernée. Etre une femme, ce serait donc, ça, une « carence » et une « frustration »? Cela n’a rien de personnel, au contraire: il me semble que je partage cette caractéristique (être une femme) avec à peu près la moitié de l’humanité. De plus, cette série d’articles sur le genre dans la publicité ne parle pas que des femmes, loin de là: les trois premiers articles parlaient essentiellement des hommes. Ce qui m’intéresse, c’est d’étudier et de décrypter les représentations du genre que véhicule la publicité. Je ne m’en prends pas « à tout et à rien », je constate, j’analyse et je raisonne. Et, effectivement, cela me conduit à une attitude militante, nourrie par ces réflexions.
3) Votre argument selon lequel il on se sentirait personnellement concerné par une cause, non pas par réflexion, par adhésion et par solidarité, mais parce qu’on souffre soi-même d’une injustice particulière, me paraît particulièrement contestable et dangereux. Je suis blanche, ça ne m’empêche pas de militer contre le racisme. Je suis valide, ça ne m’empêche pas de désirer que les personnes non-valides aient les mêmes droits et les mêmes possibilités que les valides. Et il en est de même pour les pratiques sexuelles: selon vous, « Seuls les homosexuels revendiquent leurs droits à la libre expression de leur sexualité ». Eh bien non, on n’a pas besoin de se définir comme homosexuel pour désirer l’égalité des droits et militer dans ce but.
Si je vous suis bien, en conclusion, il faudrait être une femme pour être choqué par l’image que certaines publicités donnent des femmes, et seules les femmes dénonceraient les stéréotypes et le sexisme dans la publicité. C’est là une vision bien triste de l’humanité, de la société et du respect des personnes. L’objectif de ce blog, c’est de mener et partager une réflexion sur le genre dans notre société, et de pousser les gens à s’interroger sur les discours et les images qui nous paraissent naturels, incontestables, comme allant de soi. Selon moi, c’est la seule manière de se comprendre et de vivre ensemble dans l’égalité.
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C’est vrai qu’une vraie femme est celle qui peut procréer, de donner la vie. C’est un critère essentiel qui différencie la femme de l’homme. Je n’ai jamais été d’accord avec les transgenres et les homosexuels. Je pense que c’est une bonne chose que les publicités se tournent vers la « vraie femme » au lieu de stéréotyper les femmes sur leu beauté.
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Les femmes stériles sont donc des fausses femmes ?
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