Eric Fassin à propos du « conflit sexuel des civilisations »
Rue89 publie un long entretien avec le sociologue Eric Fassin, sociologue spécialiste des questions de genre, qui s’interroge, dans son dernier ouvrage, sur la politisation des questions sexuelles et raciales. Il décrypte avec une subtilité et une intelligence assez rares les mécanismes de la xénophobie et leur exploitation politique depuis quelques années. Extrait:
Un élément m’intéresse tout particulièrement : si, dès les années 90, on parlait avec Samuel Huntington de « conflit des civilisations », dans les années 2000, on a pu parler de « conflit sexuel des civilisations ». (…) Le débat public est structuré par l’opposition entre « nous » et « eux ». Or une manière privilégiée de tracer une frontière entre « eux » et « nous » passe par l’idée que « nous » serions du côté de la liberté des femmes, de l’égalité entre les sexes, voire de la liberté des homosexuels et de l’égalité entre les sexualités, alors qu’« eux » seraient définis par opposition à ce que j’appelle la « démocratie sexuelle ».
Un article très controversé sur les rapports de genre dans les pays arabes
L’ordre dans lequel je présente ces deux articles n’est pas anodin; il se trouve en outre que c’est celui dans lequel je les ai lus. Celui-ci, écrit par une blogueuse égypto-américaine, a provoqué une controverse très importante aux Etats-Unis et dans d’autre pays. Il s’intitule « Why Do They Hate Us? The real war on women in the Middle East » (Pourquoi nous haïssent-ils? La vraie guerre contre les femmes au Moyen Orient – allusion à une expression qualifiant l’attitude de certains Républicains, aux US, à l’égard des droits des femmes). Rue89 revient sur cet article en traduisant quelques extraits et, surtout, sur la polémique qu’il a provoquée; la blogueuse y affirme en effet « que les sociétés arabes sont fondamentalement misogynes et que les incessantes violences envers les femmes ‘alimentées par un mélange à la fois de culture et de religion’ tendent à se généraliser ». La manière dont elle entend le démontrer est particulièrement frappante, détaillée, et troublante. A vrai dire, je ne sais toujours pas trop quoi penser de cet article. La seule chose que je sais, c’est qu’il sera facile, pour des Sarkozy et autres Guéant, de l’utiliser afin, comme l’écrit Eric Fassin, de « tracer une frontière entre « eux » et « nous » » en prenant appui sur « l’idée que « nous » serions du côté de la liberté des femmes » et de l’égalité entre les sexes. D’où elle parle, l’auteure a une évidente légitimité pour parler du sujet comme elle le fait (même si c’est bien sûr critiquable), mais ce sera tellement facile de détourner ce propos pour alimenter des propos du type « nous appartenons à une civilisation supérieure, regardez comme nous traitons bien nos femmes ». Pour aller plus loin sur le sujet, vous pouvez aussi lire « Comprendre l’instrumentalisation du féminisme à des fins racistes pour résister » et « Mona El Tahawy or native neo-orientalism ».
L’éloge de la maternité, ou le vieux complexe de la Madone et la Putain
La vidéo qui suit est une publicité de Procter and Gamble (groupe possédant des dizaines de marques de produits ménagers et d’hygième) qui sort à l’occasion des Jeux Olympiques de Londres, dont l’entreprise est un des sponsors.
Oui, c’est une belle campagne, mais selon moi, cette façon d’exalter la maternité et de mettre, soi-disant, les femmes sur un piédestal relève d’un des mécanismes les plus anciens de la société patriarcale. Je souscris totalement à l’analyse qu’en a fait, il y a quelques mois déjà, le site d’information Les Nouvelles News: « Pub olympique pour la mère sacrificielle ».
A propos de piédestal
J’ai découvert ce billet déjà ancien (2010, rendez-vous compte) grâce à @Mar_Lard, sur le blog « C’est la gêne »: « Non, les filles ne disent pas caca ». Tout en reconnaissant que « la stratégie du piédestal » vise à garder les femmes à leur place (dans la cuisine, donc), l’auteur de ce billet avoue ne pas supporter qu’une femme parle de façon « grossière »: « les cheveux se dressent sur ma tête de réactionnaire dès qu’une femelle prononce les obscénités communément admises dans le vocabulaire des mecs . C’est ainsi, je ne supporte pas ce laisser-aller même si je reconnais les vertus émancipatrices du mot “bite” ». On peut lire aussi la réponse à ce billet de la part d’une fille qui dit « caca » (et « bite »).
On continue avec les stéréotypes de genre: le marketing genré
En anglais, un article très drôle sur le « marketing genré », qui exploite les stéréotypes de genre (décidément) en guise de stratégie marketing. Vous aviez remarqué que vos produits quotidiens vous parlaient? Et bien, si vous êtes un homme, il y a des chances qu’ils vous parlent EN MAJUSCULES et veuillent vous rassurer sur votre VIRILITE, surtout quand vous vous faites DES GOMMAGES POUR MECS ou que vous mangez DU MUESLI POUR MECS. L’article est écrit par une britannique, mais je pense que l’analyse vaut largement pour la France.
Hunger Games
Bon, je sais, c’est encore en anglais MAIS ne râlez pas, il y a des sous-titres (cliquez sur cc en bas à droite de la vidéo). Feminist Frequency nous parle (là et là) de Katniss Everdeen, personnage principal du livre Hunger Games et du film qui en est tiré (actuellement au cinéma).
Les 400 culs
Si vous ne connaissez pas encore ce blog, cliquez, et pas seulement parce qu’il a un nom génial. Son auteure est Agnès Giard, par ailleurs spécialiste du Japon, que vous avez peut-être déjà lue dans le magazine Causette (c’est elle, notamment, qui interviewe les femmes témoignant dans la rubrique « La fesse cachée »). Voici une sélection des trois articles qui m’ont le plus intéressée dernièrement:
– Une réflexion sur la notion de « sexisme » et son emploi à propos de la publicité: « L’érotisme, c’est du sexisme? »
– Un article passionnant sur l’allaitement masculin (si si je vous jure): « Les hommes aussi peuvent allaiter, mais… »
– Un dernier sur la façon dont les femmes perçoivent les règles et sur la façon dont elles influencent leur sexualité: « Pardon chéri, je suis souillée ».
Disney forever
Pour finir, une image qui a déjà pas mal circulé sur les princesses Disney, complétée par le versant masculin (leurs princes charmants). Avec la question bonus: de combien de ces princes/hommes pourriez-vous citer le prénom? Perso, je n’en connais que deux, et je suis quasi sûre que les autres n’en ont tout simplement pas. My name is Charming, Prince Charming.
Traduction approximative pour ceux et celles qui en ont marre que je poste des trucs en anglais:
– Ce que nous apprennent les princesses Disney: sois belle, sois belle et… sois belle
– Ce que Disney enseigne aux hommes à propos de la façon de séduire les femmes: sois charmant, beau, et si possible riche et célèbre.
Le prince de Cendrillon doit bien avoir un prénom pourtant… ah, peut-être son Altesse royale 😀 En tout cas ceux de la petite Sirène et de la Belle au bois dormant en ont un ! 😉
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hmmm… Eric pour la Petite Sirène, j’en suis presque sûre. La Belle au bois dormant ne fait pas partie de mes classiques, par contre. (Ah, je vois que je ne suis pas la 1ère à chercher « prénom prince Cendrillon ») http://www.disneycentralplaza.com/t5437-le-nom-des-princes Il y a tout là si tu veux savoir, je ne veux rien spolier pour les autres 😉 Les noms ne sont pas apparemment pas cités dans les films et sont plutôt… surprenants
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