Parmi les innombrables réactions suscitées au Royaume-Uni par la mort de Margaret Thatcher, celle-ci est assez remarquable. La députée travailliste Glenda Jackson a tenu ce discours à la House of Commons pendant la session d’hommage à l’ancienne Première Ministre:
Après avoir longuement détaillé les méfaits du thatchérisme, elle conclut en réagissant aux discours saluant en Thatcher la première femme Première Ministre (à partir de 5’42):
- I am of a generation that was raised by women, as the men had all gone to war to defend our freedoms. They did not just run a Government; they ran a country. The women whom I knew, who raised me and millions of people like me, who ran our factories and our businesses, and who put out the fires when the bombs dropped, would not have recognised their definition of womanliness as incorporating an iconic model of Margaret Thatcher. To pay tribute to the first Prime Minister denoted by female gender, okay; but a woman? Not on my terms.
-
Je suis d’une génération qui a été élevée par des femmes, car les hommes étaient tous partis à la guerre pour défendre nos libertés. Elles ne faisaient pas que diriger un gouvernement: elles dirigeaient un pays. Les femmes que j’ai connues, qui m’ont élevée, ainsi que des millions de gens comme moi, qui dirigeaient nos usines et nos commerces, et qui éteignaient les incendies quand les bombes tombaient, n’auraient pas reconnu leur définition de la féminité comme incarnée par Margaret Thatcher. Rendre hommage au premier Premier Ministre désignée par le genre féminin, d’accord; mais une femme? Pas selon ma définition.
Qu’est-ce qui, selon cette députée, a rendu Margaret Thatcher indigne (car c’est bien de cela qu’il s’agit) d’être une femme? Sa « définition » est celle d’une féminité idéalisée s’incarnant dans un peuple de mères courage. Thatcher a dirigé un gouvernement (plusieurs, en fait) mais elle ne mérite pas le nom de « femme ». Le thatchérisme, dit-elle, représente la consécration de tout ce qu’elle a appris à considérer comme des « vices », qui deviennent des vertus: l’appât du gain, l’égoïsme, le mépris des plus faibles, bien loin du care traditionnellement confié aux femmes. Thatcher aurait donc perdu son droit au titre de « femme » – non pas en accédant à la fonction de première ministre, mais en renonçant aux valeurs traditionnellement associées à la féminité.
Margaret Thatcher n’est pas une « femme » – je n’emploie pas le mot au sens biologique, bien sûr – car elle ne correspond pas à l’idée que les sociétés occidentales se fait de « la femme ». Mais (n’ayons pas peur d’enfoncer des portes ouvertes) elle n’est pas non plus un homme: on nous l’a suffisamment rappelé, son sexe biologique la rend unique , originale, une espèce de monstre de la nature. Elle est la première femme Première Ministre, la Dame de Fer. Cette expression, « Iron Lady », a été utilisée pour la première fois par un journaliste soviétique en 1976 en référence à son inflexibilité; il ne s’agissait pas d’un compliment, mais l’expression est restée et illustre le mélange de répulsion et, parfois, d’admiration suscité par l’intransigeance de Thatcher. Mais l’expression est aussi devenue récurrente pour désigner des femmes chefs de gouvernement (la liste est impressionnante): ces femmes déterminées, ambitieuses, fermes ne peuvent être que des « dames de fer », de Benazir Bhutto à Julia Gillard en passant par Yulia Tymoshenko.
Car oui, il faut le dire et le redire: on a beau ne pas aimer Margaret Thatcher (je ne l’aime pas, je ne la respecte pas, ni elle ni ses idée), il faut reconnaître qu’il y a une part de sexisme dans la haine qu’elle suscite. Jean-Pierre Langellier dans Le Monde la qualifie de « nymphomane de la politique ». Est-ce qu’il voulait simplement dire qu’elle était ambitieuse? Qu’elle aimait la politique, le pouvoir? En quoi cela fait d’elle une nymphomane? L’expression sonne comme un rappel: on avait failli oublier qu’elle était une femme, la ramener à sa sexualité (ou plutôt à un fantasme sexuel masculin) est apparemment le meilleur moyen de le rappeler.
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Le blog de Janine: http://janinebd.fr/
Pour aller plus loin:
– Donna Haraway, Le manifeste cyborg : la science , la technologie et le féminisme-socialiste vers la fin du XXème siecle, 1ère publication: 1992.
– Vient de paraître (pas lu): Mérabha Benchikh, Femmes politiques: « le troisième sexe »?, Paris, L’Harmattan, 2013.
– Sur le Guardian: « Margaret Thatcher was no feminist ».
– Sur le blog Heaven Can Wait: « Margaret Thatcher: la Lilith du XXème siècle… »
– Catherine Achin et Elsa Dorlin, « ‘J’ai changé, toi non plus’. La fabrique d’un-e Présidentiable : Sarkozy/Royal au prisme du genre », Mouvements, 5 avril 2007.
– Fabienne Brugère, « Jusqu’où ira le care ? », La Vie des idées, 4 octobre 2010.
On a bien vu de toute façon, à sa mort, tout ces articles qui ont fleuri sur la manière qu’avait Thatcher de s’habiller. Aurons nous la même chose pour Mandela ? J’en doute. J’ai regardé ya pas longtemps le biopic sur elle et j’ai trouvé qu’en filigrane se dessinait beaucoup ce sexisme (plus en fait que sa vie politique) comme son mari qui finalement la trouve trop ambitieuse (alors qu’il l’avait prévenu !). Bref, comme toi, je n’apprécierais jamais ce qu’elle incarnait (idées, inflexibilité, courant politique …) mais on ne peut que saluer la manière dont elle s’est imposée au sein du paysage politique anglais.
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En fait, ce genre de réaction est assez odieux. On croirait entendre Ségolène sur la supériorité morale de la femme en politique. Alors voilà, Miss Maggie n’est « pas une femme ». On croirait entendre d’un homme qu’il n’est « pas un homme » parce qu’il ne se comporte pas comme Poutine – ou parce qu’il veut se marier avec un autre « non-homme ».
Ce qui est rigolo, c’est qu’en son temps, Queen Victoria était une sacrée dame de fer qui ne lésinait pas sur les aventures militaires sanglantes et l’humiliation du petit peuple – alors qu’elle incarne justement l’époque de la femme courageuse vertueuse et angélique vénérée par Ms Jackson, jusque dans le vocable « victorien ».
Justement sur l’image de Miss Maggie, j’ai commis un beau billet qui montre à quel point la chanson culte de Renaud est sexiste. A retrouver sur les fesses de la crémière.
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Ou alors elle était VRAIMENT une dame de fer. Peut-être que, pour être au pouvoir, une femme doit vraiment redoubler d’ambition et de fermeté. Dans ce cas il est logique que le terme serve à décrire des tas de femmes. Après tout, Elizabeth II ou Petrouchka Duchmol n’est pas une dame de fer.
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Ça me fait penser, puisque c’est d’actualité, aux critiques autour de Frigide Barjot. Sexisme et -le comble venant de LGBT- transphobie (« on dirait une transsexuelle » etc.). Comme s’il n’y avait pas assez de bonnes raisons de lui cracher dessus, il faut qu’on en vienne à des attaques minables sur son physique, quand ce n’est pas carrément une parole misogyne à visée généralisante qui se libère.
C’est quand même dingue cette tendance à dénigrer des femmes (politiques, médiatisées, ayant du pouvoir…) en tombant dans la misogynie ou bien l’homo/transphobie (ex. Fourest) la plus crasse. Et ce en se sentant tout à fait légitime.
On ne peut pas cautionner ça en tant que femmes. Ne serait-ce que par pragmatisme : on a toute dans notre entourage quelqu’un qui nous trouve un minimum antipathique pour des raisons, disons, recevables (idées, actes…). Si on cautionne qu’une autre soit lynchée sur sa féminité (ou absence de) plutôt que sur des motifs valables, c’est assez logique que la chose nous arrive aussi à un moment ou un autre, et à ce moment-là, pourquoi rechercher ce soutien qu’on refuse à celles qui nous déplaisent ?
Critiquer, oui, mille fois oui, mais avec intelligence, pas en usant de critères définis par le patriarcat.
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J’avais remarqué ce curieux phénomène à propos de Mme Thatcher, sans pouvoir mettre des mots simples sur la question…
Mais oui, c’est bien du sexisme, heureusement qu’il y a des gens pour le souligner !
Et oui, tellement sortie de son rang, qu’on ne sait plus vraiment de quoi il s’agit, ni homme, ni femme, mais être humain odieux… Oui, certes, elle inspire beaucoup de sentiments de haine, mais c’est plutôt de sa politique dont il devrait s’agir, et non pas de sa nature supposée !
Notez d’ailleurs qu’il est en train de se produire le même type de phénomène avec Angela Merkel, qui, même si elle souvent « chahutée » pour sa politique, l’est aussi très souvent à la fois sur son apparence, sur son appartenance (ou non) à la gent féminine, sur la « profondeur » de ses relations avec certains chefs d’Etat masculin…
Bravo et merci pour ce billet !
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Merci à vous 🙂
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En fait, je ne suis pas d’accord avec l’ensemble de votre analyse qui me paraît tirée par les cheveux.
La MP ne fait que dire qu’on peut bien la désigner comme la première femme premier ministre, mais elle n’est pas une femme en ce sens qu’elle a nié toutes les valeurs que les femmes avant elles ont porté et dont la MP se sent la dépositaire. Tout ce pour quoi les mères et les filles de 40 ont lutté a été bafoué par Thatcher et c’est au nom de ces femmes (c’est elles qui faisaient tourner le pays, c’est un fait qu’elle présente) mais qui sont en fait non pas simplement des femmes ici, mais les garants intérieurs du pays pendant que les hommes sont partis à la guerre. Elle se sert de ce qu’on dit souvent sur le fait que Thatcher a été la première femme Première Ministre pour le retourner et dire : où voyez-vous une femme ? Les femmes que je connais n’auraient pas agit comme Thatcher. Ce n’est pas une femme, c’est avant tout un politique. Il ne s’agit pas du tout de lui enlever son titre de femme, c’est absurde, il s’agit de récuser le fait qu’elle soit avant tout une femme. Il ne faut pas oublier que la MP est son adversaire politique tout de même !
Ensuite vous dite que son sexe biologique la rend unique : c’est oublier que soit on l’assigne carrément à son sexe (les vêtements qu’elle porte), soit on le mentionne pas. Je ne vois pas d’où vous pouvez dire qu’elle est un monstre… qui dit ça ? Certainement pas la MP. Quant à « dame de fer » j’ai déjà dit ce que j’en pensais. Peut-être que le pouvoir tel qu’il est conçu dans les « sociétés occidentales » (bon…) demande plus d’effort et d’ambitions pour des femmes; Je ne vois pas ce que vous voulez démontrer par cette remarque sur « les dames de fer » ; à ce compte-là on a des surnoms assez funky chez les hommes aussi.
Enfin sur votre dernier paragraphe, je trouve ça léger : un type la qualifie de nymphomane de la politique mais n’a-t-on jamais traité un homme de « fou », « obsédé »… etc de la politique ? Nicolas Sarkozy n’y pensait-il pas en se rasant ? Il est vrai qu’il n’existe aucun terme masculin équivalent à nymphomane mais c’est peut-être de là que vient la différence, pas des intentions d’un journaliste. Ôtez ce journaliste et il ne reste pas grand chose pour prouver qu’elle attire le sexisme, d’autant que l’article que vous citez ne donne qu’un exemple et c’est celui de Jean-Pierre Langellier, votre journaliste. Il me semble que vous psychologisez ce sans doute brave journaliste et lui faites un procès d’intention. D’autant qu’un seul lecteur a-t-il pensé à la vie sexuelle débridée de Thatcher en lisant cela ? Pourquoi l’explication ne résiderait-elle pas dans le simple fait qu’il existe un mot pour les femmes qui fourni une image forte ?
D’autant que Thatcher attire peu de réactions « sexistes » justement, il me semble.
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Sauf que « fou » et « obsédé » ne sont pas aussi sexualiser que « nymphomane ». L’obsession n’est pas toujours sexuelle dans la langue française et la folie non plus, la nymphomanie l’est toujours. L’équivalent masculin existe contrairement a ce que vous croyez, c’est satyre et a part DSK pour des raisons évidentes, aucun politique n’est traité couramment de satyre et de toute façon satyre dans la culture patriarcale est moins insultant que nymphomane. Votre argumentation ne tiens pas Bidoum.
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Si vous le dites.
Mais justement, satyre n’a pas du tout la même connotation, ce qui peut expliquer qu’un journaliste n’emploie pas le mot. Ce n’est absolument pas le pendant masculin de nymphomane, ne serait-ce que du fait de sa rareté. Il me semble qu’on fait comme si on savait ce qu’il y a dans la tête du journaliste au moment où il écrit. Je ne vois pas pourquoi ce qu’il dit serait sexiste. On peut très bien utiliser des mots spécifiques pour les femmes (car ils existent, sont courants… etc) sans pour autant assigner la femme visée à sa pauvre condition de femme (dira-t-on d’une femme rousse que l’on dit volcanique qu’on l’assigne à sa condition de rousse par exemple ? Je ne crois pas. C’est donc que le vocabulaire spécifique n’enferme pas forcément). En l’occurrence ce n’est pas le cas ici.
Et quand bien même ce serait le cas il faudrait encore prouver que la sexualisation d’une femme politique est du sexisme. Et en l’espèce je ne vois pas comment vous feriez pour le démontrer sans plonger dans la généralité la plus détachée de notre cas présent.
En outre et enfin ça ne change pas le fond de ce que je dis : on nous cite UN journaliste qui a dit ça. Comme si cela devait démontrer que l’entièreté du monde connu traite Tatcher avant tout comme une femme. Il me semble qu’il y a beaucoup d’extrapolation là-dedans.
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Vous dites que Jackson ne fait qu’affirmer que Thatcher représentait la négation des valeurs portées par les femmes qu’elle admirait. Relisez son discours: ces femmes « n’auraient pas reconnu leur définition de la féminité comme incarnée par Margaret Thatcher ». Il n’est pas seulement question de valeurs, il est question de ce qu’on peut ou non appeler une « femme ». C’est aussi le sens de sa dernière phrase: « Rendre hommage au premier Premier Ministre désigné par le genre féminin, d’accord; mais une femme? Pas selon ma définition. » Le sens est suffisamment clair: pour Jackson, Thatcher n’est pas une femme, parce que justement elle représente l’opposé des valeurs dont je parlais.
D’ailleurs vous écrivez « Elle se sert de ce qu’on dit souvent sur le fait que Thatcher a été la première femme Première Ministre pour le retourner et dire : où voyez-vous une femme ? » C’est exactement mon propos… Une fonction n’est pas portée par un être abstrait, dématérialisé, comme vous semblez le suggérer en disant qu’il faut considérer la fonction et non la personne: cela n’a pas de sens de dissocier les deux, d’ailleurs quand vous le faites vous parlez de Thatcher comme d' »un politique »: fonction = masculin selon vous?
Je ne suis pas sûre de comprendre le propos de votre 2nd paragraphe. Quand je parle de Thatcher comme d’un « monstre », ce n’est évidemment pas au sens d' »être monstrueux » mais pour montrer qu’en tant que femme en politique, femme chef de gouvernement, elle représente une forme d’aberration dans un monde essentiellement masculin. D’où les rappels, beaucoup plus fréquents que vous ne voulez l’admettre, au fait qu’elle est une femme – il n’y a qu’à penser à la description de Mitterrand: Thatcher avait « les yeux de Caligula et la bouche de Marylin Monroe ». Ici en Angleterre, beaucoup l’appellent « the witch » (j’imagine mal un politicien impopulaire surnommé « the wizard »: l’image de la sorcière a des connotations différentes et est associée à une féminité menaçante, dangereuse).
Le surnom « Iron Lady » est sexué, oui. Il existe des surnoms gratinés pour les hommes politiques aussi mais peu (aucun?) qui les ramènent à leur sexe biologique (sauf pour DSK, mais c’est à cause de sa sexualité, non de son sexe). L’expression « dame de fer » fait allusion au surnom de Bismarck, le « chancelier de fer »; mais imaginons qu’un homme politique soit appelé « homme de fer »: cela ne paraît pas une aberration ni un oxymore, surtout en politique, contrairement à « dame de fer ».
À propos de l’expression « nymphomane de la politique », je signe et je persiste, c’est une expression sexiste. Si on dit qu’un homme est obsédé par la politique, cela n’a pas le même sens; cela n’évoque même pas forcément sa sexualité, seulement son ambition. Vous semblez ne pas avoir conscience qu’il y a des termes qui n’ont pas le même sens selon qu’ils sont appliqués à un homme ou à une femme: les connotations sexuelles apparaissent beaucoup plus rapidement quand on parle de femmes. De nombreux exemples ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Langage_sexiste#Mots_devenant_p.C3.A9joratifs_au_f.C3.A9minin
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J’aurais dû répondre avec mon répondeur à moi. Désolé.
Je ne suis pas d’accord avec votre premier paragraphe et sur le second vous m’avez mal compris ou je m’exprime mal : Jackson à mon avis rebondit sur le fait qu’on qualifie toujours Thatcher par rapport au fait qu’elle est une femme et retourne le cliché : c’est tout sauf une femme, c’est avant tout un politique, parce que jamais une femme ne se serait comporté ainsi. Mais ça change tout parce que c’est un jugement de fait (comme de dire : les femmes sont meilleurs à l’école si vous voulez, ça n’a rien de naturel mais ça reste vrai). Donc Jackson dit « ne l’assignez pas à sa condition de femme, ça n’a rien à voir avec ce qu’elle est ». Je pense que ce sens là est plus exact.
Quant aux rappels fréquents, peut-être, mais je n’ai rien à admettre, vous démontrez cela avec UN exemple, c’est ce sur quoi je critique. Il y a quantité de choses qui ont été écrites sur Thatcher, si un seul journaliste dit quelque chose de sexiste alors ça va je pense, on peut considérer que Thatcher n’est pas d’abord considérée comme une femme. J’aurais aimé au moins des sources différentes. C’est pourquoi je trouve votre démonstration faible. Ce n’est pas parce que nous sommes en terrain ami (a priori les gens qui lisent ce blog sont sensibles à la cause féministe) que les raccourcis doivent être autorisés.
Quant à la suite, vous faites comme s’il n’y avait ni récepteur ni émetteur. Le journaliste n’avait pas forcément l’intention d’être sexiste et le lecteur n’entend pas forcément une assignation à la féminité. Il y a effectivement un riche vocabulaire imagé et sexualisé pour les femmes politiques mais c’est le vocabulaire qui existe. On pioche donc naturellement dans ce vocabulaire. Mais cela ne signifie en aucune façon que l’on considère Thatcher comme une excitée sexuelle ou qu’on la renvoie à sa sexualité ; cela reste une image (comme dame de fer par ailleurs). Par exemple lorsqu’on utilise un vocabulaire sexualisant pour un homme on le fait uniquement quand il y a des anecdotes (ou pas) de natures sexuelles, dans ce cas le vocabulaire est utilisé au sens propre. Et je ne sais pas si Dame de fer est si oxymorique, à moi ça ne me le paraît pas en tout cas (ce qui tend à montrer que la réception est importante). Effectivement facile n’a pas le même sens chez un homme et chez une femme, mais cela signifie juste que le vocabulaire sexualisé est plus riche pour les femmes, pas que l’on assigne les femmes à leur sexe (après tout on n’utilise pas facile dans le même cas que pour un homme, si on veut dire d’une femme qu’elle est facile à vivre on parviendra aisément à le dire sans utiliser ce vocabulaire connoté). Ou alors il faut que vous admettiez que lorsqu’on parle de dame de fer on pense vraiment que Thatcher est en métal o_O. Qu’on ne se méprenne pas sur ce que je viens de dire : je ne dis pas qu’il n’est pas possible que ce soit sexiste, mais cela ne va pas de soi et encore faut-il le démontrer. On revient à ce que je disais à la fin du dernier paragraphe.
Pour la fonction, et pour les mêmes raisons en fait, cela ne m’intéresse pas, il existe un neutre en Français, lorsque l’on parle de la fonction et ce neutre a la même marque du genre que le masculin, ça n’a pour moi aucune espèce d’importance. Donc je dis toujours Madame le ministre, Madame le Président ou quoi que ce soit de ce style. De même je ne suis pas chaud bouillant avec les « Adhérent.e.s » et autres « .e » rajoutés. Disons que je ne vois pas l’intérêt.
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Vous voulez des exemples?
– Chirac: » « Mais qu’est-ce qu’elle me veut de plus cette ménagère ? Mes couilles sur un plateau ? »
– Mitterrand, je l’ai déjà cité: « les yeux de Caligula et la bouche de Marylin Monroe »
– évidemment, « Miss Maggie » de Renaud
– oh, ça alors, un article listant « 10 citations très sexistes à propos de Thatcher », quelques exemples:
« Do you dress as a leader, as a woman, for yourself or for your husband? » —Barry St John Nevill, reporter with the Hornsey Journal.
« My God! The bitch has won! » —the vice-chairman of the Conservative Party, upon Thatcher becoming the party’s leader.
« Ditch the bitch. » —A popular Labour party slogan.
« Shrill and hectoring. » —Peter Mandelson, the Labour Party’s Communications Director, on Thatcher’s « first ever televised performance in the Commons. »
« In her presence, you pretty quickly forget that she’s a woman. She doesn’t strike me as a very female type. » —Zbigniew Brzezinski.
« The Iron Man. » —Yasser Arafat’s nickname for Thatcher.
« Attila the Hen. » —Nickname for Thatcher by member of Parliament Clement Freud.
« It’s been a touching spectacle: the brave little woman getting on with the woman’s work of trying to dominate the world. » —Austin Mitchell, member of Parliament
Est-ce qu’il faut vraiment que je continue, ou vous allez m’expliquer que « bitch » fait partie des mots disponibles pour décrire une femme et que ce n’est donc pas sexiste?
« Le journaliste n’avait pas forcément l’intention d’être sexiste » – qu’est-ce que ça change, exactement? J’ai une nouvelle qui risque de vous bouleverser: le sexisme n’est pas forcément délibéré.
Votre réponse dégouline de condescendance et de prétention. Vos arguments justifiant votre usage sexiste de la langue (Margaret Thatcher est « un politique », ben voyons) ne tiennent pas la route: j’ai déjà expliqué pourquoi là, là, là, et puis là, et encore là. Vous ne voyez peut-être pas le problème avec le fait de décréter que le masculin est universel, moi si.
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Pour en-dessous.
Et beh, je ne pensais pas que ça vous énerverait autant. Il faut se détendre un peu, rien de très grave ne se joue ici. En tout état de cause je n’avais pas l’intention d’être condescendant, quoi que je ne crois pas l’être. D’autant que l’accusation est tout de même assez renversante pour quelqu’un qui infantilise à ce point son interlocuteur. Vous savez, j’ai peut-être une vraie critique à vous adresser, ou alors je n’ai peut-être pas tout compris et ainsi de suite… Du coup votre dernière phrase tombe à plat, vous êtes juste en train de dire que vous vous contentez très bien de votre petite culture ; je trouve regrettable que vous ne vouliez pas faire tourner et qu’en plus vous le preniez avec tant d’aridité. Je viens en paix après tout.
Pour en venir enfin au plus important, je ne juge pas l’ensemble de vos articles, je juge celui-ci, et désolé mais oui je le trouve facile. Vous pouvez donner dix milles exemples ici, vous ne l’avez pas fait dans l’article il me semble. Ma critique est donc justifiée de ce point de vue. En outre l’usage de la langue est peut-être sexiste mais il me semble que vous ne prenez pas la peine de le démontrer (ou de renvoyer à des articles qui le font), du coup vous ne faites que précher des convertis, éventuellement, ce que je trouve facile également. Maintenant c’était peut-être votre intention.
Ensuite soit vous ne m’avez pas compris soit vous ne me lisez pas, soit je suis décidément pas doué : pour le journaliste, ça change tout en fait ; pour qu’une réflexion soit sexiste il faut qu’elle renvoie à son rôle habituel la femme ainsi désignée, mais pour cela il faut que cela résonne ainsi dans l’esprit de ceux qui entendent le message, je ne crois pas que cela soit (toujours) le cas, donc c’est peut-être sexiste mais si ça se trouve ça n’a aucun effet. Le journaliste ou aucun de ceux qui ont prononcé les phrases que vous avez citées voudraient-ils réellement que Thatcher soit bobonne à la maison ? (je veux dire, ça les arrangerait en tant qu’adversaire politique bien sûr) Si effectivement ils ne considèrent pas réellement qu’il faut renvoyer les femmes au foyer (pour faire simple), cela signifie que le sexisme n’est qu’un résultat de comportements non sexistes (et oui). Du coup ça change tout parce que le sexisme devient aussi une affaire de réception des discours et pas de « climat global imprégnant les sociétés occidentales ».
L’idée c’est que c’est pas parce que les méchants sont moches dans les dessins animés qu’après on pense que tous les moches sont mauvais, parce qu’il me semble que c’est un peu ce schéma pour le sexisme que vous décrivez (mais je me trompe peut-être), c’est pourquoi j’insiste sur la réception (les enfants, et les adultes qui voient les méchants ne vont pas appliquer directement le schéma : méchant=moche ; il y a des tas de médiations et dans l’immense majorité des cas ça n’aura aucun effet). Après, que dans le langage il y ait des usages différents pour traiter les hommes et les femmes bien sûr, mais encore faudrait-il savoir ce que cela signifie pour les gens qui utilisent ce vocabulaire (au passage pour « bitch », il peut m’arriver de qualifier de bons amis de « connards » et pourtant je ne le pense pas et ils le savent, bref, je ne crois pas que ce soit une simple affaire de dénotation, en l’occurrence quand on traite une femme de pute, je ne suis pas sûr qu’on ait toujours l’image de la prostituée, ce qui n’empêche pas que cela reste une insulte très violente et effectivement avec des connotations sexuelles).
Pour le politique, j’ai encore le droit d’avoir mon opinion ou ça va, je vous gêne trop ? En plus c’était une remarque au passage pour répondre à l’ensemble de votre commentaire. Je n’ai pour le moment rien lu de convainquant (et même pas Wittig) qui me ferait changer mes usages, j’ai vu en tout cas beaucoup de pétitions de principes. Je lirai vos articles à l’occasion cependant, en tout cas peut-être, après tout je ne vous dois rien, et je changerai peut-être d’avis, avec bonheur sans doute.
Au passage, votre argument qui est de dire que derrière la fonction il y a bien une femme ne me convainc pas, il y a bien une femme en effet, mais anglaise également, et puis avec une permanente, et puis issue d’une famille pauvre, doit-on aussi le signifier dans le discours ? ce genre de fonction est censée être représentative donc se dégager de la personne elle-même (ça n’empêche bien sûr pas qu’elle soit anglaise et ainsi de suite).
Effectivement lorsqu’on est une femme il est difficile de parler « en général » à cause du féminin qui s’oppose au général masculin (et c’est un problème à mon avis), mais mettre du « la Présidente » interdit totalement de penser en général et on entre dans le royaume que je n’apprécie pas (pour diverses raisons) des particularismes puisqu’il faut absolument signaler qu’on est une femme ou un homme, or ce n’est pas ma vision du féminisme. Bref, je serais bien plus favorable à ce qu’on trouve un moyen de parler en général et y compris lorsqu’on est une femme que de découper la langue de cette façon, ce qui oblige à brandir en étendard son sexe ou son genre.
En espérant ne pas avoir été trop agressif, en espérant m’être fait comprendre aussi. Bref, cordialement quand même quoi.
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Vous n’avez pas aimé mon billet, c’est votre droit le plus strict. Pourquoi en faire tout un foin? Vous avez soulevé quelques critiques auxquelles j’ai répondu, vous n’êtes toujours pas d’accord, OK. C’est aussi mon droit le plus strict de considérer que vous vous enfoncez dans le déni et de refuser de lire des pavés m’expliquant que qualifier Thatcher de « bitch » n’est pas sexiste. Mais vous pouvez continuer à disserter pour éclairer des gens plus ouverts d’esprit que moi autant que ça vous chante. Bien cordialement.
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Je ne vois pas ce que le droit vient faire là. C’est aussi mon droit de manger des biscuits à la cannelle. Je parlais de courtoisie, de fleurs et de papillons. Ensuite il me semblait que c’était un blog où les pavés étaient monnaie courante. Enfin je ne dis pas que traiter Thatcher de bitch n’est pas sexiste, je dis que ce n’est pas automatique.
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Pour ma part, je serais plus réservé quant au côté sexué du surnom « Iron Lady » : le terme « Iron Woman » aurait été, à mon avis, bien plus sexué, puisque renvoyant à la seule qualification de femme.
Le terme « Lady », par contre, renvoie à la qualification plus « ciblée » de « Dame », ce qui me semble plus renvoyer à une qualification sociale, voire à une façon de se poser face à la société, plutôt qu’à la seule appartenance au genre féminin.
N’oublions pas, en outre, que le terme « Lady » est à l’origine un titre nobiliaire, même si ce mot a, depuis, été utilisé pour désigner toute femme venant d’un milieu social élevé.
A ce sujet, j’ai lu sur Wikipedia que Golda Meir avait été qualifiée en son temps (Premier ministre israélienne de 1969 à 1974) de « Dame de fer » : par hasard, connaitriez-vous des sources confirmant cette anecdote ?
En ce qui concerne le sobriquet de « witch » (très peu aimable, on en conviendra), le mot « wizard » n’est pas son contrepoint masculin, puisqu’il signifie plutôt « magicien ». Pour parler de sorciers façon Gargamel, Prospéro ou Saroumane, les anglophones utiliseraient le terme « sorcerer ».
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Merci infiniment pour cette leçon d’anglais. Il se trouve que je vis en Angleterre, avec un Anglais, et que je connais donc plutôt bien la langue.
– je ne vois pas en quoi « iron woman » serait plus sexué qu' »iron lady », puisque le terme « lady » a pour fonction de désigner une femme
– vous vous trompez sur cet emploi précis de « lady »: Margaret Thatcher a été faite baronnesse après avoir quitté la tête du gouvernement. Le terme ne renvoie donc pas à son statut social mais à son statut de femme. « Lady » est très souvent utilisé de façon plus ou moins ironique pour désigner des femmes (un médecin m’a dit pas plus tard que la semaine dernière: « one if the disadvantages of being a lady » – elle ne parlait pas de mon statut social, que je sache)
– vraiment, je pense qu’il était essentiel pour le propos de distinguer entre « wizard » et « sorcerer ». Merci infiniment. Comme je ne parlais pas d’un magicien mais d’un équivalent possible de « witch » au masculin je ne vois vraiment pas quelle différence cela fait.
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J’ajoute: le surnom de Margaret Thatcher était « the grocer’s daughter », avec une pointe absolument délicieuse de mépris et de condescendance pour ses origines modestes. Un quelconque statut social considéré comme « supérieur » n’entre donc pas en ligne de compte dans « the Iron Lady ».
De plus, selon le OCD:
lady = 1 a polite or formal way of referring to a woman
2 a woman of good social position: a courteous, decorous, or genteel woman, a title used by peeresses, female relatives of peers, the wives and widows of knights, etc, a woman at the head of a household
3 (dated) a man’s wife, a female lover or sweetheart, (historical) a woman to whom a man, especially a knight, is chivalrously devoted.
4 (the Ladies) (British) a women’s public toilet.
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Pingback: Cyborg Thatcher | Gender Studies | Scoop.it
si ce billet a quelques mérites, de l’autre côté je ne peux pas comprendre que l’on puisse écrire sans même tiquer « Margaret Thatcher n’était pas une femme ».
Une personne ayant possédé un vagin et des seins a été une femme. Mais je suis stupidement simpliste, n’est-ce pas ?
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Je vous remercie infiniment pour ce… compliment, mais visiblement vous n’avez pas compris mon billet. Je ne dis pas qu’elle n’était pas une femme, mais que dans l’imaginaire collectif elle n’était pour certain·e·s ni une femme, ni un homme.
Sinon, votre définition de la « femme » est pour le moins simpliste, effectivement. Soit vous êtes dans la provocation (mais ce n’est pas votre style, n’est-ce pas?) soit vous n’avez rien compris au genre.
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Ma définition de « la femme » est celle de Leymah Gbowee, prix Nobel de la paix 2011, une femme atrocement simpliste selon vos critères mais néanmoins efficace.
Je trouve bien dommage que les « penseuses » féministes qui dissertent dans la presse et sur les blogs soient pour la plupart d’entre elles aussi épouvantablement méprisantes avec les activistes radicales.
Je vous ai déjà fait des compliments sur d’autres billets mais apparemment ils ne vous ont pas touchée (venant d’aussi bas ?) et puis vous êtes dans ma blogroll car vos articles m’intéressent, mais apparemment, je ne suis qu’une provocatrice qui doit sans doute « nuire à la cause qu’elle défend » pour reprendre une expression consacrée…
Cependant, s’il avait fallu compter sur les seules intellectuelles et si discourir avait suffit à changer le statut des femmes dans la société, on aurait pas eu besoin d’autant de siècles pour obtenir les quelques droits élémentaires que nous avons obtenus.
Penser à le répéter à votre chère copine Mona Cholet…
Si vous ne publiez pas ce commentaire, lisez au moins cet article, il est d’un homme qui a une certaine conscience de ce que demande la résistance au viriarcat en dehors des salons où l’on cause entre personnes bien élevées :
http://quebec.huffingtonpost.ca/jean-francois-mauger/femen-des-seins-qui-pointent-l-horreur_b_3041756.html
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merci de m’avoir permis de découvrir ce moment là et de me souvenir que Glenda Jackson fut pendant de nombreuses années une talentueuse comédienne. Quant aux critiques bien-pensantes qui précèdent je n’ai rien à en dire tant je les trouve, pour beaucoup, mesquines et réductrices. Encore une fois, merci.
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