Arguments anti-féministes (1) « Les féministes d’aujourd’hui… »

Je commence une nouvelle série de billets destinés à répondre de manière (je l’espère) simple et claire aux arguments anti-féministes les plus courants. Je ne parle pas des arguments sexistes en général, mais plus particulièrement de ceux qui visent à faire taire les féministes, et j’exclus d’emblée les « mal-baisée » et autres « si t’étais belle tu dirais pas ça » que je ne considère pas comme des arguments (bien que d’autres aient visiblement du mal à faire la différence).

Voici une liste d’arguments que je me propose de traiter, elle est susceptible d’évoluer en fonction de vos suggestions. N’hésitez pas à m’en faire, ces billets sont destinés à répondre soit à vos questions, soit aux arguments et questions auxquels vous avez du mal à répondre.

    – Les féministes d’aujourd’hui ne veulent pas l’égalité: elles veulent [dominer les hommes, etc.].
    – L’égalité est un leurre, les hommes et les femmes sont complémentaires; les hommes et les femmes ont des destins naturels différents.
    – Les féministes sont trop agressives.
    – Les féministes détestent les hommes.
    – Pourquoi parler de féminisme et pas d’humanisme?
    – Les combats féministes sont futiles par rapport à la souffrance des femmes en Afghanistan (ou d’autres pays, si possible très loin).

Aujourd’hui donc, tous les arguments commençant par « les féministes d’aujourd’hui », et en particulier « Les féministes d’aujourd’hui ne veulent pas l’égalité, elles veulent dominer les hommes ». Généralement, le sous-entendu est le suivant: « l’existence des féministes était justifiée quand les femmes ne disposaient pas des mêmes droits que les hommes. J’aurais d’ailleurs été féministe à cette époque. Mais aujourd’hui ce n’est plus le cas. »

Il faut distinguer deux choses dans cet argument: la distinction féminisme d’hier / d’aujourd’hui et l’idée que les féministes revendiqueraient non pas l’égalité mais la supériorité sur les hommes.

Féminismes « d’hier » et « d’aujourd’hui »

D’abord, l’apparence de consensus à propos des féministes « d’hier » (quant à la date de péremption de cette catégorie, mystère). On en croirait presque que les combats féministes de l’époque, centrés sur l’égalité des droits, faisaient l’unanimité. On croirait presque qu’être féministe était tout naturel; ou alors, on contourne la difficulté en disant « mais bien sûr qu’à l’époque j’aurais été féministe ». C’est oublier que jamais, à aucun moment de son histoire, le féminisme n’a été un mouvement prédominant ni n’a fait l’unanimité. Jamais les revendications féministes n’ont été bien accueillies positivement au moment où elles étaient formulées – que dis-je: qu’elles ont toujours été décriées, moquées, violemment réprimées par la société contemporaine.

C’est vrai pour des choses aussi évidentes aujourd’hui que la possibilité de travailler hors du foyer ou de voter; c’est vrai, ô combien, pour le droit à la contraception et à l’avortement, toujours à défendre aujourd’hui.

anti-suffragettesanti-suffragettes_2anti-avortement

Il est donc bien joli de se revendiquer du féminisme historique, ou de décréter que le féminisme « d’aujourd’hui » n’est pas acceptable. C’est l’un des nouveaux visages de l’anti-féminisme. Il est devenu théoriquement impossible, avec le temps, de contester aux femmes l’égalité des droits. Ce n’est pas parce que la société est féministe, oh là non; c’est parce que les combats féministes d’hier, victorieux, sont devenus des évidences. Ils ne sont plus des combats, justement. Personne ne dirait sans ridicule aujourd’hui « je suis féministe, je soutiens le vote des femmes » ou « je suis féministe, ma femme a ouvert un compte en banque sans ma permission ». Facile, donc, de reconnaître la validité des combats d’hier, quand les féministes ont triomphé; facile aussi, surtout d’un point de vue de dominant, de balayer d’un revers de main les combats d’aujourd’hui.

Egalité ou inversion de la domination?

Sous prétexte que l’égalité des droits aurait été atteinte, il est courant d’entendre aujourd’hui que les féministes ne peuvent désormais désirer que dominer à leur tour les hommes. Cet argument suppose, donc, l’existence de l’égalité.

Il est devenu habituel de distinguer féminismes de la 1ère et de la 2ème vague. Pour résumer, la 1ère vague revendiquait l’égalité des droits, tandis que la 2ème, qui commence dans les années 60-70, vise l’égalité réelle, en s’attaquant aux fondements de la domination masculine et en cherchant à changer les mentalités. On a donc beau jeu de dire « mais vous l’avez, l’égalité! » si par cela on entend l’égalité des droits. Oui, certes, les femmes peuvent aujourd’hui voter, étudier, travailler hors du foyer, ouvrir un compte en banque sans l’accord de leur mari. Cette égalité restera cependant théorique tant que persisteront les discriminations, les stéréotypes limitant les possibilités des femmes, les violences de genre, la culture du viol.

Non, l’égalité n’est pas atteinte, c’est pourquoi les féministes continueront à se battre.

Et si vous pensez que l’objectif des féministes est d’inverser les rapports de pouvoir, vos prémisses sont différentes: vous reconnaissez bel et bien que les femmes sont dominées et vous souhaitez perpétuer cette situation. Vous avez donc inventé un mythe anti-féministe (un mythe, oui, car je vous mets au défi de trouver un texte féministe exprimant cet objectif) afin de sauvegarder votre position de dominant. En un mot, vous êtes masculiniste.

AC Husson

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139 réflexions sur “Arguments anti-féministes (1) « Les féministes d’aujourd’hui… »

  1. Bonjour,
    Il y a quelque chose que je ne comprends pas avec le féminisme:
    Le féminisme existe parce que les hommes ont dominé les femmes partout et tout le temps.
    Mais pourquoi les hommes ont-ils dominé les femmes je veux dire à la base?
    Pourquoi le matriarcat n’existe pas?
    Pourquoi les hommes ont pu imposer leurs choix aux femmes?
    Il existe des micro sociétés matrilinéaires mais pourquoi sont elles si peu nombreuses?

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    • Ca vient du tout départ de l’humanité: Les hommes avec de capacité plus forte étaient les dominants. Cette idée est restée et a évolué avec nous. C’est ainsi que cette société sous le patriarcat c’est joliment pauser, inconsciemment et naturellement, autour de nous. Maintenant que la force physique est très secondaire pour réussir notre vie et que l’on dispose tous, indépendamment de nos sexes, des qualités actuelles requises.. Pourquoi continuer ainsi ? Go égalité totale

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  2. Pingback: Féministe ou fumiste ? | Regards féminins sur la science

  3. Pingback: Info Septembre 2013 | EgaliGone

  4. « Je vous mets au défi de trouver un texte féministe exprimant cet objectif »…
    Double échec dans cette phrase. D’une, parce qu’il suffit de taper des phrases du type « all men should be castrated » dans un moteur de recherche pour trouver des milliers de blogs féministes, et d’autre part parce qu’avec la même logique, je pourrais vous mettre au défi de trouver un texte prouvant qu’Hitler a ordonné l’extermination des juifs… Épargnez-vous la peine, je vais m’attribuer le point Godwin tout seul. (bien que la métaphore soit parfaitement valable)
    J’espère que vous n’allez tout de même pas devoir m’expliquer que ce ne sont pas de « vraies féministes », le concept de « fausses féministes » est un argument masculiniste….
    PS : ce paragraphe est d’assez mauvaise foi, j’en conviens volontiers. Mais une rhétorique malhonnête appelle à des commentaires malhonnêtes. Car oui, reformuler les arguments de ses opposants à son gré pour mieux pouvoir les critiquer, surtout dans un texte déclaratif sans contrepoint, c’est malhonnête…

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    • Le point féminazi est assez magique. J’ai pour règle de ne pas répondre à ce genre de stupidités, je signale seulement qu’une accusation de malhonnêteté de la part de quelqu’un qui n’a pas le courage de garder le même pseudo après que je l’ai remis à sa place, ça me fait doucement rigoler 😉

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      • Bonjour, je ne suis pas d’accord avec toi sur ta phrase selon laquelle il est impossible de trouver un texte féministe prônant le domination de l’homme par la femme. J’ai lu ce très bon article de Mona Chollet, journaliste et féministe qu’on ne présente plus, traitant du sujet sensible des Femen :

        http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2013-03-12-Femen

        Je cite un paragraphe :
        « Le cliché des féministes hystériques et « coupeuses de couilles », couplé à l’esthétique publicitaire : une bonne synthèse du produit Femen. Dans l’entretien qu’elle accorde à l’hebdomadaire satirique [Charlie Hebdo], Chevchenko déclare vouloir une société « où les femmes ont plus de pouvoirs que les hommes ». »

        La réalité est qu’il existe aujourd’hui plusieurs féminismes à mon avis. Comme toute idéologie d’ailleurs qui possède plusieurs sous mouvements, certains plus extrémistes que d’autres (communisme/trotskisme/marxisme). Personnellement je ne suis pas du tout en accord avec les valeurs des Femen et je me considère à 100% féministe parce que pour moi cela veut dire « égalité des sexes » et rien d’autre.

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      • A part ça, pour les arguments, qu’avez-vous à répondre ? Ces sites existent bel et bien, j’ai tapé « all men should be castrated » dans google et ça donne effectivement beaucoup de sites féministes.

        S’agit-il de « fausses féministes » ? Ou faut-il au contraire les prendre au sérieux ?

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      • « Le point est assez magique ». Vous pouvez développer ?
        « J’ai pour règle de ne pas répondre à ce genre de stupidités ». C’est stupide parce que je fais une critique objective de votre article ? Mes arguments peuvent être mauvais mais au moins ce sont de vrais arguments, pas des insultes comme les vôtres. Mon pseudo je crois que c’était pouet, j’avoue que je ne m’en souviens plus vu que je viens sur ce site une fois tous les quelques mois, cependant j’assume parfaitement ce que j’écris. Tout ce que vous démontrez, c’est que le caption de votre blog « Je m’interroge… » et le formalisme d’apparat dans lequel vous enveloppez vos posts ne cachent que très mal votre fermeture d’esprit lorsqu’il s’agit de débattre posément. « Vous m’avez remis à ma place »… ma place d’homme, c’est ça ? 🙂

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    • faut-il vraiment présenter le « scum manifesto » de valérie Solanas?
      D’autre part les féministes ne peuvent pas continuer à prétendre vouloir l’égalité sans jamais faire la moindre proposition dans le sens d’une égalité pour les hommes.
      Enfin les féministes ne peuvent pas garder leur crédibilité en mentant ouvertement, comme en prétendant que les femmes sont les principales victimes, alors qu’elles ne prennent en compte que les victimes féminines (les hommes sont de tout temps les premières victimes de violences, d’homicides, d’accidents,…) et les crimes applicables uniquement aux femmes (la définition du viol implique la pénétration du partenaire, limitant ce crime quasi exclusivement aux femmes).

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  5. Bonjour, j’ai lu avec intérêt votre article, devant préparer un cours d’histoire des femmes pour 2 classes: une entièrement masculine et une majoritairement féminine (2 garçons) de 1ère en lycée professionnel (et oui: il n’y a pas une fille dans ma classe d’électriciens et peu de garçons dans ma classe de secrétaires administratifs, ça ne s’invente pas 😉 ). Evidemment, même si je suis persuadée de la pertinence des luttes féministes actuelles (changer les mentalités et défendre certains droits fondamentaux), je pense, comme certains de vos lecteurs qu’il y a des féminismes et non pas un féminisme.

    Ainsi, je me sens peu proche du combat des Femen qui se revendiquent féministes. J’avoue que je connais mal leurs objectifs, mais je n’aime pas vraiment la façon dont leur combat est médiatisé. Je pense qu’on peut manifester, être visibles, désobéir civilement sans montrer ses seins. Je pense que c’est même contre productif.

    D’autres féminismes attirent mon attention:

    Celui des femmes dites « de couleur » qui dénoncent les doubles discriminations dont elles sont la cible qui est parfois cause de malentendus avec les féministes main stream en France: quand certaines se réjouissent de la visibilité de personnalités noires ou métisses (Rhihanna, Beyonce et compagnie), les autres leur rappellent que ce sont des stéréotypes de bimbo et que la vision des femmes qu’elles donnent dans leurs clips est contre productive. Pourtant, même si je ne suis pas fan, je reconnais un progrès dans cette visibilité: voire des femmes noires et métisses dans les média, ça permet aussi des possibilités d’identification, même si ces personnes sont des visions souvent altérées et « réconfortantes » (blanchissement) qu’on peu avoir des femmes non blanches.

    J’ai aussi envie de parler des féminismes religieux: il y a des personnes qui se disent religieuses et féministes (chrétiens, musulmans): je pense surtout à l’Amérique du Nord et au Maghreb et au Moyen Orient. Les féministes musulmanes font bien partie des forces qui ont permis d’obtenir une révision du statut juridique des femmes au Maroc (révision du code de la famille).

    Voilà, tout cela pour dire qu’il n’y a pas un féminisme mais des féminismes à mon avis!

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