Oui, je sais, ça faisait longtemps. J’ai dû faire une pause. Je reprendrai peut-être plus tard la série sur les arguments anti-féministes (si vous voulez la continuer, vous pouvez toujours m’envoyer des propositions de billets…).
J’ai eu envie de recommencer à publier ici à cause d’une citation de J.K. Rowling que j’ai lue sur la page Facebook « A Mighty Girl » (« the world’s largest collection of books, toys, and movies for parents, teachers, and others dedicated to raising smart, confident, and courageous girls »).
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« I’ve got two daughters who have to make their way in this skinny-obsessed world, and it worries me, because I don’t want them to be empty-headed, self-obsessed, emaciated clones; I’d rather they were independent, interesting, idealistic, kind, opinionated, original, funny – a thousand things, before ‘thin’. […] Let my girls be Hermiones, rather than Pansy Parkinsons. Let them never be Stupid Girls. »
Writing on her website, [J. K. Rowling] revealed that her « rant » was prompted by photographs in a magazine of a very young woman « who is either seriously ill or suffering from an eating disorder… This girl needs help but, the world being what it is, they’re sticking her on magazine covers instead. »
Traduction:
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« J’ai deux filles qui doivent tracer leur chemin dans ce monde obsédé par la maigreur, et cela m’inquiète car je ne veux pas qu’elles soient des clones sans cervelle [empty-headed], obsédées par leur propre image [self-obsessed] et émaciés. Je préférerais qu’elles soient indépendantes, intéressantes, idéalistes, gentilles, avec des opinions fortes, originales, drôles – un millier de choses avant « minces ». […] J’aimerais que mes filles soient des Hermione, pas des Pansy Parkinson. J’aimerais qu’elles ne soient jamais des Stupid Girls [titre d’une chanson de Pink]. »
Sur son site, elle écrit que son « coup de gueule » fait suite à des photos parues dans un magazine, photos d’une très jeune femme « qui soit est gravement malade, soit souffre de troubles du comportement alimentaire… Cette fille a besoin qu’on l’aide mais, le monde étant comme il est, ils la collent en couverture des magazines à la place ».
J’admire profondément J. K. Rowling mais j’ai été consternée par cette déclaration, triste aussi. Puis furieuse.
Evidemment, il faut lutter contre l’obsession de la minceur et permettre aux petites filles d’avoir confiance en elles, et j’imagine que c’est ce que voulait dire Rowling. Mais la façon dont elle l’exprime est extrêmement perturbante. Elle parle ouvertement de filles et de femmes qui sont malades en les décrivant comme des « clones sans cervelle », qui ne peuvent être ni indépendantes, ni intéressantes, ni idéalistes, ni gentilles, ni originales, rien.
La référence à « Stupid Girls » n’arrange rien, puisque Pink utilise des stéréotypes sur les « filles sans cervelle », les blondes, les filles qui se préoccupent trop des garçons (et j’en passe) pour se moquer d’elles et demander: « Where, oh where, have the smart people gone? » (Où, où sont passés les gens intelligents? »). Puisque bien sûr, des blondes avec des « tee-shirts de gamines » se déplaçant « par groupes de 2 ou 3 » en rejetant leurs cheveux en arrière pour attirer l’attention des garçons, ça ne peut pas rêver d’être présidente, ça ne peut même pas être intelligent. Breeeeef. (Apparemment, Rowling a décrit cette chanson comme « the antidote-anthem for everything I had been thinking about women and thinness », « l’hymne-antidote à tout ce que je pensais jusque-là à propos des femmes et de la minceur ».)

Images extraites du clip (trouvées sur le blog Morning MakeUp Call)
Les propos de Rowling s’inscrivent dans une tendance généralement positive du féminisme qui vise à procurer aux filles et aux femmes une image positive de leur propre corps, débarrassée des impératifs de beauté omniprésents et destructeurs (minceur, blancheur, « thigh-gap » et j’en passe). C’est de cette tendance qu’est issu le concept de fatphobia, traduit par « grossophobie »: la peur, le rejet et, par conséquence, les moqueries et les discriminations dont souffrent les personnes considérées comme grosses. C’est un concept féministe très important et dont on ne parle pas encore assez en France.
Le problème est que ce mouvement conduit parfois à l’extrême inverse, c’est-à-dire à rejeter les femmes considérées comme trop maigres. J’ai déjà parlé ici de l’expression « vraie femme » (entendre « qui a des formes », expression tout aussi stupide d’ailleurs).
Mais le problème est plus vaste que cela. Il est lié à la méconnaissance ou à l’ignorance face au phénomène des troubles du comportement alimentaire, qui peuvent se présenter sous diverses formes, dont les plus connues sont l’anorexie et la boulimie. Peu de gens savent qu’il s’agit d’une psychopathologie, et encore moins acceptent de le reconnaître. Au lieu de cela, on se moque de ces « mannequins anorexiques ». On dit en riant, « j’ai fini la plaquette de chocolat, je suis trop une boulimique ». On utilise même les deux termes comme des insultes, en particulier « anorexique ».
Les propos de Rowling montrent qu’elle ne sait rien, absolument rien, des troubles du comportement alimentaires. Elle a même tout faux. Les anorexiques, par exemple, sont souvent des jeunes filles (car oui, l’anorexie est une maladie genrée, puisque l’immense majorité des anorexiques sont de genre féminin) à très haut potentiel intellectuel. Leur souffrance n’est pas un caprice, elles ne veulent pas simplement « ressembler aux mannequins des magazines ». Elle est beaucoup plus profonde. Car l’anorexie est une maladie, une maladie qui détruit et qui tue.
Je me souviens d’un article de Grazia qui avait fait scandale dans le petit monde de Twitter. Le magazine « féminin » avait publié un article nauséabond sur les femmes « grosses ». Quelqu’un sur Twitter avait exprimé son indignation en traitant cette journaliste d' »anorexique », je lui avais répondu en disant que l’anorexie est une maladie, mais une insulte.
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« – Elle traite les femmes rondes d’adipeuses, on peut donc lui retourner la politesse.
[Moi] – Ah, donc « adipeuses » est une insulte et « anorexique » est son contraire?
– Donc on ne peut pas traiter quelqu’un de débile ou de crétin non plus? A priori ce sont des maladies aussi. »
Autre article nauséabond de Grazia sur les « grosses », autre « insulte » par un autre twitto: « Euh, elles ont un souci les rédactrices anorexiques chez Grazia? Aigries comme des Elisabeth Lévy! »
Vous ne voyez peut-être pas le problème avec ces tweets ou avec les propos de Rowling. Moi si. Voyez-vous, je suis une ancienne anorexique. Je sais ce que c’est, ce que ça veut dire, même si j’ai pu m’en sortir relativement rapidement et sans trop de dégâts (c’était il y a plus de 5 ans). Je sais que c’est une maladie. Je connais cette souffrance. Alors utiliser « anorexique » comme une insulte pour désigner des femmes avec lesquelles on est en désaccord, des femmes « aigries », des « clones sans cervelle », non, je ne peux pas l’accepter.
Le féminisme progresse vers plus d’inclusivité en essayant de prendre en compte les discriminations dont souffrent les personnes considérées comme trop grosses. Il progresse en luttant pour permettre aux filles et aux femmes d’avoir une image positive de leur propre corps. Mais ce faisant, il laisse trop souvent sur le côté de la route des femmes comme moi. Pire: on nous éjecte du train avec un coup de pied, et, bonus, on nous crache dessus pour que le message soit bien clair.
A lire: Mona Chollet, Beauté fatale, 2012. Voir notamment le chapitre « Une femme disparaît. L’obsession de la minceur, un ‘désordre culturel' ».
Voir aussi la page Facebook « Observatoire de la Grossophobie et du Body Shaming ».
Le drame de l’anorexie, Valérie Valère l’a dit dans « le pavillon des enfants fous ». Elle serait sûrement blessée aussi qu’on utilise ce mot comme une insulte. Même chose avec le mot « autiste ». Merci pour ce billet nuancé et juste.
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Si on sait lire l’anglais, i ly a une excellent BD sur l’anorexie : « I do not have an eating disorder » :
C’est très efficace pour comprendre « de l’intérieur » le fonctionnement de la maladie.
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Oh! Magnifique cette bd! Du courage et un bon coup de crayon, c’est sublime!
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C’est l’extrémisme dans l’opposition maigre-grosse qui est destructrice et néfaste. Souvent, les maigres crachent sur les rondes et les rondes traitent les maigres de sales anorexiques. C’est comme s’il y avait deux clans. Non, non, non et non. Il y a toute une gamme de corps, de l’émacié au plantureux en passant par la taille « standard » et tous doivent être respectés. C’est comme si on prenait le parti des Blancs ou des Noirs, dans les deux cas c’est du racisme, ce dont le monde a besoin c’est de l’intégration de toutes les différences, pas ces antagonismes incessants.
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la différence avec le « camp » blanc ou noir est qu’il y a clairement un rapport de domination des uns, sur les autres… ne pas choisir son camp et les renvoyer dos à dos c’est faire le jeu de l’oppresseur. Le racisme ne peut être, dans une société donnée, le fait des dominants. Les autres expriment une revendication émancipatrice même si elle prend la forme d’une inversion (« sale blanc » par exemple).
Par contre pour ce qui des maigres et des rondes l’oppression est plus des valides sur les invalides. Les mots valides et invalides sont ici entendu dans un sens large (pas les invalides de guerre !). A savoir que les personnes qui sont physiquement apte sans défauts, dans la norme dominent l’ensemble des autres. Choisir son ennemi est important et je te rejoins ludivine quand tu dis que les maigres et les rond-e-s doivent se rapprocher mais c’est bien pour faire face aux dominants dans ce domaine à savoir les valides et leur arrogance qui transparaît sans cesse dans le langage !
bien à toi
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Je dirais que toutes les métaphores et allégories que l’on utilise quotidiennement sont souvent réductrices et potentiellement blessantes…. c’est compliqué de respecter chacun en tout lieu à tout moment… Merci de nous y aider !
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Merci pour cet article.
On peut remarquer d’ailleurs à quel point la chanson de P!nk ou ce type de discours relève de la misogynie et surfe sur le préjugé sexiste de la « ravissante idiote » ou de la « fille superficielle » (qui n’ont pas d’équivalent au masculin)
Par réaction au fat-shaming, certaines personnes (et ce ne sont généralement pas des féministes) réagissent en glorifiant la beauté grosse. Mais finalement, ça ne fait que renforcer l’injonction à la beauté. Au lieu de dire « les grosses sont belles », on ferait mieux de dire « je m’en tape d’être belle et je refuse de me soumettre au regard masculin ».
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On peut vouloir être belle (ou beau, ça ne change change pas grand chose dans ce cas-ci) sans vouloir pour autant se soumettre au regard du genre qui nous attire… Vous ne croyez pas que ce sont deux choses différentes?
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absolument d’accord, et le « je m’entape d’être belle » , est l’ultime libération sur ces question, et il est assez difficile d’y arriver .
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Sauf que tu exclues de fait tout un pan de la « dérive anorexique ». Les « pro-ana » ne souffrent à priori pas du même désordre alimentaire que les anorexiques classiques ou pour certaines ne le considèrent pas comme une désordre mais un mode de vie.
Quant aux ravissantes idiotes, je ne vois pas en quoi se moquer d’elles est anti-fémiste. La plupart d’entre elles se conforme sciemment à ce stéréotype parce qu’on obtient plus quand on est une jolie gourdasse, en tout cas au prix de moins d’effort.
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Mais oui bien sûr…
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je pense que tu te plantes complétement , ta reflexion est un cliché misogyne bien connu .
Non on n’obtient pas plus , on obtien des choses différentes , dont ennormément de mépris, ton commentaire en est la preuve . D’abord être « ravissante », c’est se faire prendre quasi systematiquement pour une conne , c’est ce que critique l’auteure du blog entre autre , et c’est la critique formulée à Pink . Ensuite être ravissante et « gourdasse » , j’imagine que tu fait référence au fait de ne pas réfléchir aux enjeux qui accompagnent l’injonction de beauté … je te répodnrais que ce n’est pas donné à tout le monde d’acceder à ces iterrogations, que le sjet est complexe, que la propagande anti-féminine est sans merci , insultante , humiliante et que la moindre des choses lorsque l’on a la chance d’être « éclairée » sur ces question , c’est de montrer une certaine tolérance, et surtout de la solidarité .
Ensuite sur « je ne vois où est le mal à se moquer de …. » – en général quand on a l’idée de se moquer de quelqun , on est pas le premier . Quand on ressent cette envie je trouve interessant de procéder à une légère introspection , de se demander pourquoi on se moque, qu’est ce qui implique cette moquerie, et de considérer l’être humain que l’on a en face de soi . Se dire qu’on est la pluspart du temps un abrutit redondant, qu’on ne fait que reproduire le comportement que d’autres ont eu avant nous, que l’autre souffre peut être de se faire moquer , et avoir peut être l’humilité de se dire qu’on a peut être pas tout compris, qu’on sait rien de l’autre, qu’on ne sait pas qui il est et contre quoi il se bat …
Bref , se moquer , c’est une attitude agressive et c’est toujouts le signe d’un manque de reflexion , c’est assre gourdasse comme attitude
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« Les « pro-ana » ne souffrent à priori pas du même désordre alimentaire que les anorexiques classiques »
C’est bien que tu aies mis « à priori », parce que je pense qu’en fait, beaucoup de pro-ana souffrent d’anorexie et décident de s’en vanter – je ne les jugerais pas pour ça, j’ai été malade moi aussi, j’ai aussi eu des raisonnements difficiles à suivre. Il n’y a pas d’anorexiques classiques, toutes les anorexiques sont différentes, mais le côté « mode de vie », ça fait partie de la mentalité d’un certain nombre d’anorexiques qui nient être malades, puisque ce serait un « mode de vie », ça fait partie de la maladie.
En fait je suis contente que tu aies posté ce commentaire, parce que ça permet à d’autres de déconstruire les clichés que tu y véhicules – j’espère que tu ne le prends pas mal, je suis sûre que beaucoup de gens pensent comme toi, mais c’est bien que tu t’exprimes quelque part où on peut te donner un autre avis.
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Oups, j’ai accordé anorexique au féminin, mais ça devrait être un neutre en fait!
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Il n’y a pas d’anorexique « classique ». Je parle en connaissance de cause. D’ailleurs les gens ne nous trouvent nullement « ravissantes » (ni idiotes, par ailleurs).
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Merci pour cet article intelligent et éclairant (je découvre juste votre blog)!
J’aimerais réagir sur un point bien particulier; celui des jeunes filles « qui se préoccupent trop des garçons » dans la chanson de P!nk. Les représenter en blonde, c’est malheureux mais le message passe; tout le monde voit tout de suite de quoi il s’agit. Ce n’est pas pour autant que ce sont les blondes qu’on met en cause, c’est une sorte de métonymie sociale…
N’est-ce pas stygmatiser que de se concentrer sur l’image utilisée pour véhiculer la critique plutôt que de se concentrer sur la critique en elle-même (qui n’est d’ailleurs pas entièrement stupide au final; personne ici n’a connu de telles personnes au lycée?)… J’ajouterai que ce type de personnage hyper stéréotypé possède son équivalent masculin: Le personnage de Travolta dans Grease, ça ne dit rien à personne? Le capitaine de l’équipe de football dans tous les teenage movies américains, tête pleine d’eau et tout en biceps!
Au final derrière tout ceci se cache un problème pas uniquement féministe; la priorité du corps sur l’intellect, de l’emballage sur le contenu. La pub Wilkinson d’Avril illustre ça assez bien je trouve (l’entretien d’embauche où le candidat retenu est celui qui est chauve… Comme le DRH), et je dois dire que je pars avec un a priori positif sur tous types de propos condamnant cet ordre des choses.
Je suis donc entièrement d’accord avec la deuxième partie du commentaire Alice, et je pense même qu’on peut étendre sa dernière phrase à un public plus large. Je n’ai pas encore parcouru tous vos billets, mais j’espère beaucoup en trouver un qui traite de la libération du regard de l’autre!
Merci pour votre vision juste et intelligente des choses, elle est très rafraichissante.
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JK Rownling a sorti quelqu’un de l’anorexie : Evanna Lynch, l’actrice de Luna Lovegood. l’histoire, c’est que Evanna a envoyé une lettre à l’auteure lui parlant de son anorexie et de son souhait de jouer Luna : résultat, l’actrice était parfaite pour le rôle et a remporté l’audition contre 15000 personnes. Rowling a énormément aidé l’actrice et Evanna pense que c’est même grâce à elle qu’elle a pu guérir. Donc Rowling s’est peut-être mal exprimée, ais en aucun cas elle ne considère les anorexiques comme des gens trop obsédés par leu corps ou quoi que ce soit, elle ne l’a pas non plus « éjecté » ou « mise de côté » puisqu’elle l’a prise pour jouer le rôle de Luna, c’est bien qu’elle croyait en elle et qu’elle ne l’a pas considérée comme « incapable d’être indépendante, intéressante, idéaliste… »
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Bonsoir,
Tout d’abord, merci beaucoup pour votre article.
Je pense que JK Rownling confond d’une part le culte de la minceur de nos sociétés et de beaucoup de jeunes filles et d’autre part l’anorexie, qui sont à mon sens deux choses bien distinctes.
Les unes sont condittionnées par la société pour être très minces, et on peut voir ça comme un mécanisme de volonté d’intégration dans la société, presque comme un mécanisme de survie vu parfois la violence envers celles qui ne le sont pas ; en tout cas surement pas comme des clones sans cervelle. Les autres sont malades.
Malades, oui. J’ai été boulimique pendant 8 ans et j’ai énormément souffert du déni, de l’ignorance voir du mépris de mon entourage face à mon problème. Les gens confondent gourmandise incontrôlée et boulimie, comme ils confondent régime sévère et anorexie. Ils ne savent pas que ce sont des psychopathologies graves, la détresse qu’elles engendrent et la lutte infernale, tous les jours, pour essayer d’en sortir. Ils faudrait aussi leur dire que ce ne sont pas toujours des problèmes de rapport au corps qui en sont la cause, en tout cas ça n’était pas du tout mon cas. Je trouve votre exemple de l’amie qui se dit boulimique après avoir mangé une tablette de chocolat particulièrement probant.
A défaut de comprendre ces problèmes complexes, j’aimerai moi aussi que chacun comprenne que les mots « boulimique » et « anorexique » (entre autres) ne sont pas des insultes.
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Pour avoir été ( et encore parfois) dans des phases alternant anorexie et boulimie … oui, ça me vidait la tête, ça me vidait la tête de tout ce qui était encombrant. L’anxiété et tout le reste probablement effectivement lié plutôt à mon HQI qu’à d’autres choses. Mais profondément, mes « tracas » venaient principalement de la « place non trouvée » , de « jamais comme les autres » etc … du reflet « gros » qu’on me collait ( alors qu’objectivement je ne l’étais pas mais mon entourage m’a aidé à faire des régimes plutôt que de me l’affirmer avec la force qui m’aurait soutenue alors, c’était le seul « reproche » que mes adorables camarades à puberté tardive m’avait trouvé vu que je les devançais en classe et que je me fichais des harcèlements divers et variés).
Et dans ce sens, elle n’a pas tort : être des adultes assez forts, assez là pour protéger nos enfants et particulièrement nos ados de ces impératifs perturbant leur réalité, assez là pour voir en eux leur valeur d’abord, sans se soucier de leur apparence et leur montrer à eux chaque fois qu’ils en doutent. Les aider à se trouver et à savoir qui ils sont et ce qu’ils veulent sans se sentir obligés de suivre les autres pour être reconnus … ça devrait être le rêve de tout parent, non ? C’est un des miens en tous cas. Et déjà avec mon aîné de 8 ans, un garçon, un « THQI » comme disent les psys, c’est pas simple de l’aider à affronter les diktats de « normalité », de » pas se faire remarquer » … j’ai une fille aussi, un bébé pour l’instant, et parfois j’ai peur de ne pas être assez forte pour eux, moi qui ai été faible » à l’intérieur » même si ça m’aidait à afficher ma force à l’extérieur.
J’ai une amie avec qui j’étais en prépa, la fille sans doute la plus intelligente et cultivée que j’ai pu croiser pour l’instant… elle s’est perdue dans sa tête bien plus longtemps que moi. Elle voulait perdre ces « rondeurs de bébé » ( elle avait d’adorables joues-pommes de petite normande ^^) qui elle le pensait, la décrédibilisait … elle s’est perdue dans le contrôle de son corps qui était tellement plus facile que le contrôle du reste sans doute pour elle qui se sentait perdue dans un lieu de compétition qui ne lui allait carrément pas. Elle a fini à l’hôpital. Elle voulait juste « ne pas décevoir son père « . Il n’y a que lui qu’elle a fini par croire quand il lui a dit qu’il la préférait en bonne santé.
L’anorexie c’est un peu une quête d’absolu … de maîtrise, se concentrer sur une seule chose avec des résultats mesurables, des objectifs… le tout socialement visible et valorisé… enfin pour moi; ça doit faire différent à chacun(e).
Mais quand on ne se sent valorisée que par ce biais … oui, c’est qu’on a détruit/ oublié chez nous ce qui nous rendait valable aux yeux des autres par ailleurs.Quand on est dans l’anorexie, il est rare que l’estime de soi soit au beau fixe, que l’on se sente intéressante etc.
Alors oui, j’espère que mes enfants auront toujours des centaines, des milliers de qualificatifs avant d’arriver à « mince » quand ils chercheront à se définir, quand les autres voudront les définir et SURTOUT quand moi, leur mère je les définirais… et je leur parlerais d’eux, que je chercherais à les valoriser.
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Bonjour,
Merci pour cet article , je vous rejoint absolument d’un point de vue intellectuel et d’un point de vue personnel , j’ai envie de répondre sur ces deux modes :
-d’un point de vue personnel , j’ai toujours été rondelette sauf deux fois dans ma vie , les deux fois où j’ai fait des régimes draconiens , sans sombrer dans l’anorexie heureusement pour moi , j’ai adopté des comportements proches de ceux des personnes anorexiques , pour maigrir , me conformer , coyant que j’allais atteindre cet état fantasmé de plenitude et de bonheur que j’imaginais découvrir en devenant mince .
Je suis devenue mince (pas maigre 58 kg pour 1.70 , même si cela n’excuse rien) et je me suis retrouvée confrontée à une violence autre… des reflexions , des attaques, de l’agressivité , je me suis faite traiter de « petit baton » , de planche à pain ( moi qui me faisiat avant traiteer de « pouf à gros seins »…) , bref d’un coup j’étais de venue une co****** de mince , décervelée , et idiote . ça résonnait en moi encore plus fort parceque j’avais effectivement eu un comportement « absurde » d’obeissance et de soumission aux dictats .
Bref en obeissant , j’avais cessé de me sentir conne et inapte parceque ronde, pour devenir conne et inapte parcequ’au régime .
Après je me suis plongée dans Goffman , et j’ai entrepris l’un des plus gros travail de libération sur moi même auquel j’ai été confrontée : vivre dans mon corps, tout simplement. J ‘ai ressenti un véritable sentiment de deuil , comme quand on arrête la clope, j’ai du lacher une obsession , un formatage, une structure cognitive, un mode de fonctionnement, un ensemble de présupposés… de fil en aiguille , j’ai aussi laché la presse féminine, la « littérature féminine » , le « besoin » d’être en couple, « l’envie » de plaire , je me suis mise à dessiner différemment (plus de trucs mignons mignons ) . Il s’est agit d’une rupture qui s’est faite au fur et à mesure , une fois que j’ai débloqué la question de mon corps, tout mon esprit à suivi . Et j’ai aussi commencé à avoir de l’ambition.
d’un point de vue intellectuel , on rejoint la question de la double contrainte imposée aux femmes , ou de toute façon : ça n’ira jamais , puisque la domination de type patriarcale médiatisée par le type de capitalisme que l’on a développé a besoin de femmes coupables. la société semble aussi avoir besoin de faire palner des doubles contraintes , quelles qu’elles soient sur les femmes , je pense que des auteures ont très bien développées ces question . La question de l’adiposité/anorexie , en est une , la question pouf/mal baisée, en est une autre , comme l’étaient celle de la mère/vierge .
Les femmes baignent dans une culture perverse et manipulatrice, qui tend à les exploiter jusqu’à la moelle.
Jk rowling , que j’admire aussi beaucoup , tombe dans un piège grossier , elle pense bien faire tout comme pink , elle pense surtout à convaincre les filles de ne pas se faire avoir, mais elle ne réalise pas qu’elle joue le jeu de la même dynamique perverse beaucoup plus profonde, qui consiste à leur dire à toute qu’elles sont connes et que les autres filles sont connes. Elle entretient la misogynie profonde de notre société . Il y a d’autres moyens de parler aux filles et aux femmes de ces dynamiques afin de leur permettre de s’en libérer, et c’est à ça que sert le féminisme .
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Pingback: TCA & poids | Pearltrees
En tant que fan d’Harry Potter, j’avais lu cette intervention de JK Rowling, mais il manque le début de l’intervention qui je pense éclaire un peu son propos. Elle racontait qu’une connaissance qu’elle revoyait après plusieurs années n’avait rien eu d’autre à lui dire que de la féliciter sur sa perte de poids. Elle avait été d’autant plus choquée que, depuis la dernière fois qu’elle avait vu cette femme, elle avait écrit deux livres (qui avaient plutôt bien marché), s’était mariée et avait eu un enfant. Il lui avait semblé que tout ce qu’elle avait accompli pendant ces années était dérisoire par rapport à sa perte de poids… et cela lui semblait révélateur d’une société où l’apparence physique des femmes primait sur leur intelligence.
Effectivement, je crois qu’elle connait mal l’anorexie. Mais je crois qu’elle n’a pas tort de souligner qu’il y a un réel problème à ériger les femmes très maigres comme modèle de beauté (tout en laissant entendre que ces femmes sont maigres naturellement et qu’elles ne se privent jamais de manger).
Par ailleurs, sur la question du poids, et surtout du surpoids, l’oeuvre de Rowling n’est pas très valorisante sur les personnages en surpoids. Je reste choquée par sa description de Duddley, le cousin d’Harry, enfant obèse (car ses parents ne cessent de lui donner des sucreries), et caïd de l’école qui martyrise les petits gringalets (ce qui est rarement le cas des gros qui sont plutôt en bute aux moqueries que les initiateurs).
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Je trouve que le fond de l’article est intéressant, mais l’article en lui même manque de rigueur (surtout à côté de vos autres articles).
Tout d’abord, je ne trouve pas les propos de Rowling « extrêmement perturbants », maladroits tout au plus. Vous critiquez l’interprétation que vous faites de ces propos ce qui n’est pas très correct, tout comme le clip de pink.
Ensuite, je ne vois pas vraiment d’ou vient la transition sur les troubles du comportement alimentaire et au final l’anorexie. Je croyais justement que chacun avait son physique et le vivait comme il l’entendait, mais comme c’est présenté ici, mais à vous lire, j’ai l’impression qu’être gros (au dessus du standard) ou maigre (en dessous) est la conséquence de troubles du comportement alimentaire.
J’ai l’impressions que le sujet vous touche (bien plus que sur vos autres articles), d’ou ce mélange et cette agressivité : « Les propos de Rowling montrent qu’elle ne sait rien, absolument rien, des troubles du comportement alimentaires. »
Il est donc plus difficile de retirer les éléments intéressants de cet article.
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Bonjour
Merci pour cet article. L’anorexie ne doit pas être prise à la légère. Il ne s’agit pas d’être obséder uniquement par son poids. C’est une vraie maladie qui doit être traité tout en douceur et avec beaucoup de patience car généralement, ceux atteinte d’anorexie dénie d’abord leur état.
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Merci pour cet article, et merci d’avoir exprimé aussi quelque chose sur un sujet qui te touche de près.
Oui, ce qu’à dit Rowling à ce moment là était maladroit. J’en conviens tout à fait. Mais, si je peux me permettre, j’y vois plutôt l’insidieuse présence du système patriarcal.
Je m’explique : elle dit quelque chose de maladroit en essayant de critiquer le culte normé de la beauté féminine. Finalement, si j’y réfléchis bien, j’ai la sensation qu’elle a essayé de présenter des idées féministes.
Je dis bien « essayer », parce que, comme tu l’as constaté toi-même, c’est un échec, ça fait un peu slut-shaming sur les bords.
Malheureusement, Rowling a fait comme on le fait toutes, je pense, c’est dire une connerie avant de se rendre compte de la portée de la connerie. Il est parfois difficile d’abord certains sujets féministes (comme la norme de beauté imposée aux femmes) avec les mots adéquats.
Je pense que oui, dans son cas, c’est plus ça qui joue. Peut être plus encore qu’une méconnaissance de la maladie mentale.
Mon commentaire ne vise pas à l’excuser (elle sait faire toute seule comme une grande, elle a besoin de personne pour lui tenir la main), mais à remettre en lumière cette maladresse qui existe chez chacune d’entre nous qui avons intériorisé si fort les règles, les codes et les conventions du patriarcat.
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Il est certains que la comparaison n’est pas bonne. Ayant moi même connue une jeune fille anorexique, je ne pourrai me permettre ce genre de comparaison.
Mais ne met on pas la le doigt sur un problème bien plus profond, qui est celui de magazine de soi disant mode qui ne se gêne pas d’utiliser l’anorexie en couverture, en faisant passer cela pour la norme ?
Quand on voit des pays comme le japon, ou la minceur a atteint la taille os de cuisse rongé sous peine d’être traité de grosse, et qu’on lit les forums dédiés à la minceur de cet archipel, on ne peut vraiment voir la que des jeunes filles (pour la plupart) sans cervelles.
La recherche de la minceur extrême ne peut au final qu’être comparé en ces termes : Clones sans cervelle qui sont obsédés par leurs propre images. Mais sans lui associer la maladie !
Et de continuer en condamnant les magasines de modes de pousser les jeunes vers cette voie, qui par ailleurs confortent les vrais malades dans leurs schémas d’autodestruction quotidienne.
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J’ai une amie proche est plusieurs connaissances qui ont souffert d’anorexie et je trouve aussi choquant qu’on puisse utiliser le mot à la légère, sans se rendre compte de la souffrance des malades. Cela dit, je crois que les gens qui en font cette utilisation ne se rendent pas forcément compte qu’ils peuvent blesser.
Maintenant pour les « stupid girls », je regrette mais je crois vraiment que la culture « mainstream » actuelle pousse les jeunes filles à la stupidité. Ce n’est jamais qu’un avatar de plus de l’idée qu’une jeune femme doit avant tout se soucier de son apparence (http://library.duke.edu/digitalcollections/adaccess_BH1218/ comme dans cette vieille pub!) et que l’intelligence n’intéresse pas les hommes, qui sont évidemment son seul objectif dans la vie. Je crois qu’on peut tout à fait pointer ça, sans pour autant tenir ces filles pour entièrement responsables de la situation et tomber dans le « toutes des dindes ».
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[ Sache d’abord que je sais également ce qu’est l’anorexie et que je ne parle pas sans connaissance de cause. ]
Il faut également faire remarquer que Evanna Lynch actrice d’Harry Potter s’est sortie de l’anorexie grace a J.K Rowling. Donc je ne pense pas qu’elle ne sache rien de cette maladie.
De plus je suis d’accord de dire que devenir anorexique c’est ce transformer en clones sans cervelles.
C’est dur pour moi de dire ça mais à partir du moment où l’on s’arrête de manger on est plus cette personne intelligente et créative.
Je suis d’accord que l’on ne devient pas anorexique à cause d’un magasine. C’est beaucoup plus compliqué.
Mais quand on a envie de perdre du poids on peut vite devenir obsédée. J’ai passé des journées entière à m’ émerveiller devant des mannequin de magasines.
La société et ses moqueries peuvent amener à l’anorexie.
Ce n’est pas le cas pour tout le monde, évidemment.
Mais parfois l’anorexie c’est un passage, une période, où l’on veut être identique à ces mannequin et où l’on ne réfléchis plus. On est obsédé par la maigreur.
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Ton commentaire prouve que non, tu ne sais rien et tu ne comprends rien à l’anorexie. La prochaine fois que tu te sentiras obligée de montrer ce genre de violence envers des personnes malades, repense à ceci et abstiens-toi, merci.
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