FAQ autour de l’IVG et de la nécessaire poursuite de la lutte : questions courantes et propositions de réponses

Cet article a été écrit et publié par Gaëlle-Marie Zimmermann sur son site, A Contrario. Je le trouve clair, synthétique et très, très important dans le contexte actuel. Elle écrit en préambule : « Ce texte est mis à votre disposition : vous pouvez donc le copier et le republier sur vos propres sites, l’imprimer, le distribuer, en sélectionner des morceaux… Indiquez simplement la source et ne modifiez pas les propos, puisque j’engage mon nom sur le contenu. Mais à part ça, c’est en libre-service ».

Je la prends donc au mot, la remercie et vous incite à faire de même, ainsi qu’à partager cette FAQ.

 

« Lutter pour défendre le droit à l’IVG ? Aller manifester ? Militer pour ça ? En France ? Mais pourquoi ? L’avortement est légal dans notre pays ! Personne ne veut le remettre en cause ! Et puis il ne faut pas que ça devienne un truc banal… Imagine que les femmes se mettent à l’utiliser comme une contraception ! »

En effet, l’avortement est légal en France. Moralement, il est toléré sous conditions. Concrètement, ce droit à l’IVG est fragile.

Et émotionnellement, il est très compliqué de comprendre comment chacun.e le perçoit, en fonction de sa sensibilité, de ses convictions et de ses choix de vie.

Cependant, les idées reçues autour de l’avortement ont la vie dure, et beaucoup de gens ont du mal à saisir pourquoi la lutte pour le droit à l’IVG est toujours nécessaire aujourd’hui, encore et plus que jamais.

Quand on milite, on devient, de fait, habitué.e à un certain déroulé de raisonnement, à des terrains d’action et de réflexions qui reposent sur nos parcours personnels et militants, nos lectures, nos démarches de documentation.

Mais tout le monde n’est pas familier de ces notions, et nos axes de luttes peuvent paraître obscurs aux personnes qui, a priori, ne sont pas anti-choix mais qui ont du mal à percevoir (et c’est bien compréhensible) la nécessité de combattre encore, et les fondements de notre combat.

Alors voici une modeste liste de propositions de réponses aux questions fréquemment posées sur l’IVG et la lutte que nous menons, à destination des militant.e.s et non militant.e.s de tous bords, réponses qui peuvent également être utilisées en vue d’une démarche de sensibilisation.

1 – Je ne comprends pas pourquoi il faut lutter pour le droit à l’IVG : en France, l’avortement est déjà légal !

Oui, l’avortement est légal, mais légal ne signifie pas forcément « accessible ». Les nombreuses fermetures de centres pratiquant l’IVG, le manque de moyens, la désinformation, les actions de manipulation de certains sites web pour pousser les femmes à mener leur grossesse non désirée à terme, et plus globalement les actions toujours plus nombreuses de militant.e.s anti-choix sont une constante menace pour ce droit qui reste très fragile.

De plus, les aléas politiques et les risques que représentent l’éventuelle arrivée au pouvoir de partis opposés au droit à l’IVG pourraient fort bien mettre cette légalité en péril : rien n’est donc acquis.

2 – Enfin, personne ne veut supprimer le droit à l’avortement !

Si, beaucoup de monde : les réactionnaires, et plus généralement tous les gens qui considèrent l’embryon ou le fœtus comme une personne, sans oublier tous les gens qui considèrent que la revendication des femmes à pouvoir disposer de leur corps doit s’effacer devant le caractère prépondérant de la gestation.

3 – Mais l’avortement, c’est grave quand même : il ne faut pas que ça devienne banal !

Que signifie le mot « banal » ? « Banal » signifie « ordinaire », « commun », « courant » : concrètement, l’avortement est déjà un acte banal. C’est également, selon les termes employés par le Docteur Sophie Gaudu lors du congrès de l’ANCIC « un des actes gynécologiques les plus fréquents et les plus sûrs ». Elle ajoute également qu’une femme sur trois aura recours à une IVG dans sa vie, et qu’il s’en pratique 200 000 par an.

L’IVG est donc d’ores et déjà un acte tout à fait banal. La véritable question est : pourquoi refusons-nous d’admettre cette banalité, et pourquoi souhaitons-nous lui donner un caractère infamant, insultant, délictuel, dramatique ?

La connotation négative du mot « banalisation » dans le cadre de l’IVG nous dit beaucoup de choses de nos réticences (conscientes ou inconscientes) à considérer l’avortement comme un droit qu’aucune dramatisation obligatoire ne devrait venir normer.

Admettre que l’avortement est banal, c’est admettre que concrètement, le fait d’interrompre une grossesse peut ne pas être grave pour une femme (et en tout cas moins grave que de la mener à terme), et qu’elle peut choisir d’avorter sans avoir le sentiment de « commettre » un acte lourd.

Pour certaines personnes, cela peut être très dur à concevoir : la « banalisation » de l’avortement leur apparaît comme une forme d’inconséquence, sous-tendue par le fait qu’avorter doit obligatoirement constituer une décision et un acte de poids (moral, psychologique, émotionnel…), et que cette décision et cet acte n’ont pas à être faciles.

On rencontre souvent cette crainte de la banalisation chez des personnes ouvertement pro-IVG, qui malgré leur lutte pour le droit au choix, ont beaucoup de difficultés à ne pas conditionner la légitimité de ce choix par une intensité symbolique obligatoire.

4 – Enfin quand même, l’avortement ce n’est JAMAIS anodin !

Ça dépend. Parfois non. Parfois si. Mais les femmes qui le vivent bien ont du mal à en parler car notre société toute entière (dans les différentes instances amenées à intervenir en amont, pendant et après l’avortement) induit chez les femmes qui avortent un traumatisme symboliquement présupposé.

Cela ne veut pas dire que toutes les femmes, sans ces conditionnements, vivraient bien l’IVG. Pour certaines c’est très dur, pour d’autres moins, pour d’autres pas du tout. C’est fonction de plusieurs paramètres, notamment l’existence ou non d’un désir d’être mère (et toutes les femmes ne le désirent pas). Cela signifie simplement qu’il n’y a pas systématiquement un traumatisme. Que parfois le traumatisme est induit par des facteurs extérieurs. Cela peut même, dans certains cas, être le corps médical qui fait de l’acte un traumatisme.

Ce qui est important, c’est ne pas normer le ressenti des femmes : on peut vivre bien une IVG, on peut la vivre mal. Chacune son ressenti. Le refus d’admettre que certaines femmes vivent bien l’avortement procède du même ressort symbolique que le refus de la « banalisation » et de la « récidive ».

De la même façon que l’ont dit souvent que l’on « subit » une IVG, tandis qu’on « bénéficie » d’une péridurale, comme le précisait le Docteur Gaudu : l’avortement est toujours à « subir », comme une contrainte et non une libération (et c’est là qu’on touche au coeur même du droit des femmes à se sentir « libérées » par l’interruption d’une grossesse), comme si on avait à le supporter comme un drame imposé, sans avoir le droit d’en faire le choix libre, la revendication, sans regret et sans remords.

Le droit pour chacune de ressentir les choses librement est donc un axe de lutte important.

5 – Pourquoi militer pour l’IVG plutôt que de faire de la prévention contre l’IVG ?

La prévention, dans le sens premier du terme, consiste à empêcher qu’une chose négative ou nocive se produise. Cela sous-entendrait donc que l’IVG est quelque chose de mal, de négatif, de nocif, alors que concrètement, c’est plutôt la grossesse non désirée qui est un événement négatif.

L’IVG est en fait une solution, et on ne prévient pas les solutions : on les utilise. L’IVG n’est pas un problème en soi, mais la solution à un problème.

Alors ce qui est « mal », « dangereux » et « préjudiciable » pour une femme, ce n’est pas l’IVG (dont la décision peut être difficile ou simple à prendre, et qui peut être bien ou mal vécue),  c’est le fait d’avoir un enfant dont elle ne veut pas, et de subir une grossesse non désirée. C’est également, dans le cas où elle est contrainte de mener sa grossesse non désirée à terme, préjudiciable pour l’enfant (on trouve beaucoup d’études, plus ou moins fiables, sur le traumatisme post-IVG, mais aucune sur le traumatisme post-grossesse-non-désirée-menée-à-terme).

L’IVG est donc la solution pour interrompre une grossesse non désirée, et cela n’empêche en rien d’informer sur la contraception. Il n’y a donc pas d’incompatibilité entre le fait d’utiliser l’IVG en tant que solution, et d’informer sur la contraception pour éviter une grossesse non désirée.

Contraception et IVG sont deux maillons complémentaires de la chaîne du contrôle de la fécondité. Si le contrôle de la fécondité était une notion réellement intégrée et admise (et pas seulement en surface comme actuellement), on n’utiliserait pas des termes comme « prévention » et « récidive ».

6 – La meilleure IVG, c’est quand même celle qu’on a pu prévenir, non ? L’IVG reste un échec de la contraception.

L’IVG vue comme un échec de la contraception est un grand classique des fans de la sacro-sainte « prévention » : or, dire que l’IVG est un échec de la contraception, et donc accoler systématiquement le mot « échec » au mot « IVG », c’est oublier un fait capital : quand la contraception échoue, la conséquence de cet échec, ce n’est pas l’IVG, mais la grossesse !

C’est donc la grossesse qui est un échec de la contraception, pas l’IVG : et ce n’est pas un simple jeu sur les mots ou un raisonnement par la distorsion du langage. Les mots sont importants, ils ont un sens. L’IVG n’est un échec de rien du tout. L’IVG est la solution à la grossesse non désirée, qui est elle-même un échec de contraception. La contraception, parfois, ça échoue. L’IVG, beaucoup plus rarement.

Avorter n’est donc pas un échec mais bien une solution. Qu’il est légitime d’utiliser.

7 – Enfin y en a, elles se font avorter à répétition, la récidive dans l’avortement, c’est un peu de l’abus quand même.

Aaaah, le fameux terme « récidive ». On l’a mentionné plus haut. On le lit et on l’entend très souvent, dans le cas de femmes qui se font avorter plusieurs fois. C’est un mot qui est très révélateur de la notion de culpabilité qui continue à imprégner le contexte moral autour de l’IVG, et les réticences à une application concrète du droit des femmes à contrôler leur fécondité. Et ce, y compris dans la bouche de soignant.e.s !

Il n’y a pourtant aucune raison d’assimiler des avortements successifs à de la récidive, puisque la récidive constitue une définition relevant du langage des infractions. L’IVG doit-elle être considérée comme une infraction ? Non.

Il est essentiel que les femmes ne souhaitant pas mener à terme une grossesse non désirée puissent faire le choix de l’interrompre sans être considérées comme des « récidivistes ».

Qu’on les mette en mesure de trouver une contraception qui leur convient, qu’on les informe, qu’on réponde à leurs questions, oui. Qu’on les culpabilise au point que peut-être, si elles tombent à nouveau enceinte sans l’avoir voulu, elles n’osent plus avorter ? Non.

8 – De quel droit les femmes osent-elles revendiquer l’IVG « facile », sans douleur, accessible ?

Les femmes ne revendiquent pas l’IVG facile, sans douleur et accessible, elles revendiquent l’IVG sans complications procédurales inutiles, sans douleur volontairement infligée par le corps médical, et sans freins d’ordre technique ou moral.

Les femmes revendiquent le droit de choisir librement leur méthode (IVG médicamenteuse, en milieu hospitalier ou à domicile, IVG par aspiration sous anesthésie locale, IVG par aspiration sous anesthésie générale), sans être contraintes et poussées vers l’une ou l’autre.

Elles veulent des délais d’attente plus courts (et ne plus se voir imposer le délai de réflexion de 7 jours, qui n’est pas nécessaire à toutes), ce qui ne sera possible que si on cesse de fermer les centres qui pratiquent les IVG et qu’on allège la procédure.

Elles revendiquent également le droit à ne pas se voir infliger une douleur punitive.

Elles veulent aussi que l’on cesse de prétendre que c’est un acte technique lourd : l’acte technique a été alourdi lorsque les compétences abortives ont été transférées, au moment de la dépénalisation de l’IVG, des femmes qui le pratiquaient clandestinement et des médecins qui les aidaient à le faire, au corps médical qui a institutionnalisé une procédure d’IVG lourde et plus coûteuse.

Alors non, bien sûr, avorter clandestinement dans des conditions de sécurité et d’asepsie douteuse n’était pas une bonne chose, mais avorter sous l’obligation d’un plateau technique lourd et sous le contrôle absolu du corps médical, est-ce vraiment nécessaire ?

Le droit de recourir à une l’IVG n’est toujours pas synonyme d’autorisation symbolique à l’IVG. C’est un des volets de la lutte, et il est plus essentiel que jamais.

9 – Comment peut-on tomber enceinte « par accident » alors qu’on a la contraception ? Les femmes sont des étourdies ! Et il ne faut pas qu’elles utilisent l’avortement comme une contraception ! 

Les femmes utilisent l’avortement parce qu’elles ont de multiples raisons de l’utiliser, et de multiples façons de l’utiliser. Et notamment parce que la contraception ne fonctionne pas toujours : pour rappel, 3 IVG sur 4 concernant des femmes qui ont une contraception.

La contraception n’est jamais efficace à 100 %, et n’oublions pas qu’en France, nous sommes actuellement sous un régime prépondérant du « tout-pilule » : c’est-à-dire que la pilule, prétendument « mode de contraception préféré des françaises », est en réalité simplement le mode de contraception « le plus prescrit aux françaises », ce qui n’est pas du tout la même chose.

La pilule est donc souvent imposée, ou du moins présentée comme le choix le plus logique, alors qu’elle est loin d’être idéale pour toutes les femmes, selon leur rythme de vie, leurs attentes et leurs contraintes.

La difficulté pour beaucoup de nullipares à obtenir la pose d’un DIU (stérilet), car une majorité de gynécologues refuse encore sans aucune raison médicale, est une des conséquences de ce « tout pilule », et un des exemples frappant des progrès à faire en matière de gestion de la contraception.

Les femmes utilisent l’avortement non pas « comme une contraception » mais comme un outil destiné à interrompre une grossesse non désirée.

De même, la notion d’avortement « de confort » est surréaliste, non pas parce que ce « confort » n’existe pas (il peut tout à fait exister) mais parce qu’il est systématiquement relié à quelque chose de répréhensible : une fois de plus, on touche au tabou du réel droit à avorter parce qu’on souhaite réellement, sans remords, interrompre une grossesse non désirée.

Soyons réalistes : à partir du moment où ni la vie de la femme enceinte n’est en danger et où elle aurait matériellement les moyens de subvenir aux besoins d’un enfant, tous les avortements sont des avortements de confort, relevant du refus de mener la grossesse à terme, quelles que soient les raisons de ce refus.

Cela ne doit pas être un problème si on est d’accord sur le principe même du droit au choix. Pourtant, des personnes qui se disent pro-choix refusent que l’avortement soit « un confort » ou « banalisé ». L’avortement EST banal et il EST de confort. C’est simplement son ressenti qui varie.

Prétendre qu’on est pour l’avortement MAIS qu’il ne doit pas être de confort ou banal, cela revient à dire qu’on est pour l’avortement mais que l’on ne doit y recourir que la mort dans l’âme, et que cela doit être un acte grave et peu pratiqué : cela revient donc à dire qu’en fait, on n’est pas tellement pour l’avortement librement choisi.

Cela revient aussi à dire que les femmes doivent rendre compte de la pertinence de leur choix (dans le sens où le choix est un vrai choix, à savoir libre, éclairé, et sans comptes à rendre). Cela signifie donc qu’on souhaite poser des limites au droit des femmes à disposer de leur corps.

10 – Certaines féministes estiment que les hommes n’ont pas à s’exprimer sur l’avortement. C’est extrémiste !

Ne confondons pas. Il y a en fait deux cas de figure :

a –  Dans le cadre d’une grossesse non désirée survenant au sein d’un couple composé d’un homme et d’une femme, il semble très souvent évident que lorsque le contexte émotionnel s’y prête (ce qui n’est pas toujours le cas), la femme en situation de grossesse non désirée en parlera à son compagnon.

Rien ne l’y oblige, et au final, le droit à disposer de son corps fera d’elle la seule décisionnaire, mais il semble pertinent d’estimer que si elle en parle à son compagnon, il peut donner son avis. Cela n’est pas contesté. Et cela relève du dialogue, de l’équité, de la confiance, du parcours personnel de chacun.e et de son envie de partager les choses et les ressentis.

b – Ce que certaines féministes disent en fait, c’est qu’en dehors de cette situation de couple et du cas concret d’une grossesse non désirée, les hommes n’ont pas vocation à s’exprimer sur l’avortement en termes de positionnement idéologique, théorique : un homme peut être consulté dans le cadre de la grossesse non désirée dont il est conjointement à l’origine, mais « les » hommes n’ont tout simplement pas vocation à s’opposer idéologiquement au droit des femmes à disposer de leur corps. Exemple  : un penseur ou un médecin qui va expliquer pourquoi il est contre l’avortement… Ca n’a pas de pertinence. En ce sens, non, « les » hommes n’ont pas à s’exprimer et à prétendre dire ce que nous devons faire de notre corps.

De la même façon, « les » hommes « pro-ivg » n’ont pas à analyser ce que nous ressentons quand nous avortons. Un homme qui prétend qu’aucune femme ne peut sortir indemne d’un avortement, c’est… sans pertinence. Tout autant qu’un homme qui affirmera savoir quelle détresse ressent une femme quand elle avorte.

11 – C’est quand même grave que le nombre d’IVG ne baisse pas.

Posons clairement les données du raisonnement : la population augmente, le nombre d’IVG reste stable. Il n’est pas sorcier de comprendre que dans l’absolu, le nombre d’IVG baisse.

En fait, ce qui augmente, ce n’est pas le nombre de grossesses non désirées, mais le nombre d’interruptions volontaires parmi ces grossesses non désirées. Cela signifie globalement qu’aujourd’hui, bien plus qu’avant, les femmes en situation de grossesse non désirée peuvent choisir de l’interrompre, alors qu’avant elles la poursuivaient, ce à quoi elles ne sont plus autant contraintes aujourd’hui. C’est une excellente chose, dans le cadre d’une optique pro-choix.

Parallèlement, le nombre de grossesses non désirées ne peut pas baisser à l’infini puisque la contraception infaillible n’existe pas, que l’information sur la contraception doit encore progresser, et que les pratiques contraceptives doivent également évoluer (cf. le problème du tout-pilule évoqué plus haut).

En conclusion

Le positionnement « anti-choix », qui relève de nombreux paramètres personnels, idéologiques et moraux et qui procède souvent de la conviction que les femmes n’ont pas à revendiquer le droit à disposer de leur corps, est difficilement discutable dans la mesure où il est très peu probable d’amener un anti-choix à changer d’avis.

Ce qui importe donc bien plus, c’est de lutter contre les idées reçues qui favorisent, au sein même des « pro-choix », ce réflexe à toujours donner l’impression de justifier le recours à l’IVG en assurant que cela reste une issue de secours extrême et grave,  à fournir des excuses et justifications, à affirmer que bien sûr il vaudrait mieux que cela n’arrive pas, et que c’est toujours une voie douloureuse à laquelle on se résout la mort dans l’âme, tout cela dans le but de gérer une culpabilité induite par les normes sociales, et pour RASSURER celles et ceux qui pourraient croire que nous avortons vraiment par choix et par confort (ce qui est le cas : nous avortons bien par choix et par confort).

Plus grave encore, ces idées reçues autour de l’IVG entraîne de la part des pro-choix pourtant de très bonne volonté un renoncement à progresser encore sur la voie du droit à disposer réellement de son corps, en toute autonomie, en toute responsabilité.

Notre société a encore du mal avec l’idée de femmes dont la fonction sexuelle serait totalement détachée de la fonction reproductive. Le droit à l’IVG est constamment menacé. Et pas seulement en théorie. Défendons-le. Parlons, échangeons, témoignons, et donnons-nous les moyens d’avancer sur la route encore longue du réel droit au choix.

Toutes les infos sur l’IVG sur le site officiel du Ministère des Affaires sociales et de la santé.

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14 réflexions sur “FAQ autour de l’IVG et de la nécessaire poursuite de la lutte : questions courantes et propositions de réponses

  1. D’accord avec tout, sauf pour ce qui est de cette même position qui revient extrêmement fréquemment : « les hommes n’ont pas vocation à s’exprimer sur l’avortement en termes de positionnement idéologique, théorique »

    Bien sûr qu’ils ont vocation! Je peux m’exprimer sur le racisme sans en être une victime, m’exprimer sur la sclérose en plaque sans en être atteint, prendre position en faveur (ou en défaveur) des chômeurs ou des étudiants sans en être un moi-même (et même sans jamais en avoir été un), appuyer et soutenir le mariage homosexuel sans en avoir rien à en retirer en tant qu’hétérosexuel, etc., etc.

    Je ne comprends absolument pas comment une prise de position idéologique ou théorique (et donc sans lien avec un homme qui déclare « je sais ce que les femmes ressentent lors d’un avortement », ce qui est absurde) peut être déniée à quiconque sous prétexte qu’il ne fait pas directement parti du groupe concerné.

    Soyons clair : d’un point de vue personnel, je ne tiens pas à m’exprimer sur l’avortement. Je ne vois aucune raison de dénier ce choix aux femmes, quelles que soient les circonstances, et je pense que d’autres que moi peuvent l’exprimer bien mieux et de façon bien plus percutante. Mais j’ai toujours trouvé pour le moins dérangeant de refuser toute prise de position à certains groupes de personnes (hommes, groupes religieux, etc.) sous le couvert d’une « non-pertinence ». L’argumentaire développé peut être non pertinent, les exemples utilisés en appui également, mais pas la position elle-même… ou alors on va se retrouver dans une société où chacun ne peut parler que pour sa petite personne, ne peut raisonner que pour les débats qui le concernent directement, sous peine de se faire rejeter comme « hors-sujet ».

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    • Yup. Je me suis pas mal débattu avec cette idée. Entre autre parce que je ne me sentais pas légitime pour manifester.

      Et je pense que, d’une certaine façon, les hommes sont concernés par l’avortement: Avant, un mec couchait avec une nana, et, si jamais elle se retrouvait enceinte, c’était à elle d’assumer derrière, pas à lui.
      Or, ils ont couché à deux, et cette grossesse ne vient pas de la femme seule. La laisser derrière devoir assumer seule les conséquence, fermer les yeux, dire « c’est pas mon problème », c’est une forme de lâcheté.

      Il me semble que nous avons, dès lors que je met une femme enceinte, 4 cas de figure possible:
      – Elle veut garder l’enfant, et moi aussi. On assume tous les deux, pas de problème.
      – Elle ne veut pas garder l’enfant, mais moi oui. Désolé, c’est son corps à elle, et, partant de là, je n’ai pas à décider pour elle, et ce, même si moi j’en ai envie. Je ne lui impose pas mes choix.
      – Elle veut le garder, libre à elle, mais je n’ai pas à assumer derrière. Elle ne m’impose pas ses choix.
      – Elle ne veut pas le garder, moi non plus. Partant de là, il me semble, moralement, que, si elle le veut, la soutenir dans cette démarche est la moindre des choses.

      Sinon, merci beaucoup pour ce texte, je fais suivre!

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  2. @jellybean
    En effet, beaucoup de personnes ont du mal à comprendre pourquoi certaines féministes considèrent que les hommes n’ont pas à s’exprimer sur le sujet. Pour vous donner un exemple très simple, lorsque je me battais pour le mariage pour tous, une des personnes les plus actives était une hétéro. En soit rien de grave, je suis d’accord avec vous, c’est même plutôt positif. Oui mais, elle était interviewée, filmée, enregistrée, pendant que nous étions derrière elle. C’est pas juste une question d’ego, c’est une question de visibilité. On défend nos droits, c’est nos vies dont on parle, il me semble évident que c’est à une personne LGBT d’être sur le devant de la scène. Tout comme je ne peux pas imaginer un blanc être le leader d’un combat contre le racisme. Quand il s’agit des droits d’une minorité ou d’une catégorie de gens opprimés, c’est leur voix qu’on doit entendre, portée par eux. Quand on parle d’IVG, évidemment que les hommes peuvent et doivent se battre à nos côtés. Mais à nos côtés. Pas devant nous, pas à notre place. Pas sur les plateaux télés comme on le voit aujourd’hui (oui, la majorité des invités dans les médias à ce sujet sont des hommes, logique) ou même à l’assemblée. Laissez les femmes portez leur combat sans leur prendre la parole.
    Comme vous le dites si bien, je n’ai pas besoin d’être noire pour être contre le racisme. Mais si on m’invite sur un plateau télé, ou même si on m’interroge dans la rue, je laisserai la parole à une personne directement concernée et resterai à côté, en soutien. Et c’est ce qu’on attend des hommes dans le combat pour l’IVG.

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    • Là-dessus, je suis bien d’accord avec vous. Le droit à l’IVG est le combat des femmes, et ce ne doit pas leur être dénié, tout comme il aurait été absurde d’avoir un Martin Luther King blanc, même animé des meilleures intentions du monde.

      Cependant, ce n’est pas ce que dit l’article, par exemple lorsqu’il y est écrit : « un penseur ou un médecin qui va expliquer pourquoi il est contre l’avortement… Ca n’a pas de pertinence. »

      Ce qui n’a pas de pertinence, c’est l’argumentaire, pas la personne qui le porte. Si le pape se prononce sur l’avortement, le problème ce n’est pas le fait qu’il soit un homme, mais les arguments qu’il adopte. Cela se voit facilement, puisque si le problème était exclusivement son genre, il suffirait que ce soit une dirigeante de congrégation religieuse qui expose la même position pour que celle-ci devienne acceptable (ce qui n’est pas le cas à mon avis).

      Un penseur ou un philosophe peut tout à fait s’exprimer sur le sujet, et fabuler sur le « droit à la vie » et de belles questions philosophiques. Je ne suis pas d’accord avec lui, mais je ne vois pas ce que le fait qu’il soit un homme vient faire dans l’histoire, contrairement à ce l’article prétend (en disant, en l’essence, que seules les femmes auraient la légitimité de s’opposer à l’IVG)­.

      Tout ce que je dis (et oui, je frôle le mansplaining, mais le but n’est pas là), c’est qu’en lieu et place de rétorquer à un homme politique ou religieux que son sexe lui dénie tout prise de position (et donc le transformer en martyr de la cause bâillonné par les méchantes féministes — de son point de vue et de celui de ses supporters en tout cas), il serait plus facile de démonter ses propos et sa rhétorique…

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  3. L’article laisse de côté trois questions, le reste demeure cohérent sur le fondement de ses présupposés :
    1. L’embryon est-il membre du corps de la femme ou être à part?
    2. Peut-on prouver qu’il ne s’agit pas d’un être humain?
    3. S’il s’agit d’un être humain, au nom de quel principe supérieur à sa dignité d’homme peut-on le supprimer? Et qu’est-ce qui légitime ce principe?

    Notons trois faits :
    1. L’embryon vit (organisme doté d’ADN, il se développe). Il possède son propre code génétique. Avorter est donc tuer. Mais tuer quoi?
    2. Primo : Ce code génétique (sauf modifications épigénétiques propres à toute évolution d’un être dans la vie) demeure le même au cours de son existence. On peut donc parler d’identité génétique.
    Secundo : L’embryon devient nécessairement un homme biologiquement adulte une fois accomplies les étapes précédentes. Le code génétique de l’embryon est propre à l’homme.
    Tertio : L’embryon est donc biologiquement humain, il faut encore se demander s’il s’agit d’une personne. Soit on considère qu’il s’agit d’une personne, et dans ce cas il faut expliquer ce qui justifie qu’on la tue. Soit on considère que l’embryon n’en est pas une, mais alors il faut le prouver. Il apparaît en effet nécessaire que la charge de la preuve incombe à celui qui refuse l’humanité à un organisme biologiquement humain.
    Quarto : Peut-on nier son humanité au nom de l’absence de conscience? Je demande une définition scientifique de l’inconscience. Celle-ci existe, mais elle s’applique aussi à la personne endormie ou dans le coma, voire à certaines déficiences mentales — peut-on supprimer aussi tout ce groupe? Notons qu’une forme de conscience (au sens de réaction à l’environnement) est attestée chez le foetus (et même chez l’embryon de 6 semaines : il se débat lors d’une embryoscopie ou lors d’une aspiration).
    3. Primo. Je constate qu’on interdit l’avortement au-delà de 12 semaines : pourquoi, alors qu’on permet l’avortement à terme des handicapés? Que signifie cette limite des 12 semaines, puisqu’elle est transgressée dans le cas des sous-foetus, ceux qui sont jugés anormaux?
    Secundo. Tant que l’on n’a pas prouvé qu’un être vivant n’est pas un être humain, est-on tout de même autorisé à le tuer?

    Enfin, une dernière question : sur quel fondement peut-on poser le « droit de disposer de son corps » comme un droit légitime sans autre limite que son propre désir? On ne devrait répondre à cette question qu’après avoir étudié celles qui précèdent.

    Je remercie humblement ceux qui ont eu l’honnêteté, le courage et la bienveillance de me lire jusqu’au bout.

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    • Bon. La ribambelle habituelle (joliment formulée, je l’admets) du « vous êtes des meurtriers, pourquoi tuez-vous des gens innocents, etc. ». Pas très neuf comme argumentaire.

      Ce que je déteste dans ce genre de discours n’est pas la conclusion en soi (je ne dénie à personne le droit d’être contre l’avortement), mais cette façon qu’ont certaines personnes d’exposer les choses d’une manière « scientifique » et de prétendre à la neutralité (« Je pose seulement des questions, je n’ai pas les réponses, etc. ») alors qu’on sait très bien que leurs prises de position ont été faites uniquement sur des critères moraux, personnels qui plus est.

      Par la suite, qu’importe qu’on torde un peu le bras à la science pour arriver à nos fins, puisque le but est noble… Tenez par exemple, prenons votre premier « fait » :

      « 1. L’embryon vit (organisme doté d’ADN, il se développe). Il possède son propre code génétique. Avorter est donc tuer. Mais tuer quoi? »

      L’embryon possède son propre code génétique, d’accord. Un cadavre aussi.
      Toutes les définitions scientifiques de la vie passent par la capacité d’homéostasie, que n’a pas l’embryon, du moins jusqu’à un stade très avancé de la grossesse. Mais, visiblement, ça n’a pas d’importance, selon vous le fait qu' »il se développe » est un critère suffisant.

      Pour ce qui est de votre 2e fait, cette fois, vous accusez à demi mots les pro-choix de nier l’évidence, à savoir que tous les humains ont un jour été des embryons. De ce point de vue, le spermatozoïde et l’ovule, qui ensemble contiennent l’entièreté du génome de l’embryon, sont aussi des « organismes biologiquement humains ».

      Bel exemple aussi de renversement du fardeau de la preuve; je vous désigne donc un de mes globules blancs (qui contiennent l’entièreté de mes gènes, et sont donc des « organismes biologiquement humains » selon vos propres termes) et vous demande de prouver que ce ne sont pas des personnes.

      Pour ce qui est de votre troisième fait, je vous répondrais premièrement que ça dépend des législations. Par exemple, il n’y a, légalement parlant, aucune limite temporelle à l’avortement au Canada ou aux États-Unis. Deuxièmement, en ce qui concerne la raison elle-même, je serais porté à dire que c’est un compromis, en rien scientifique, mais moral, afin de faire taire ceux qui sont portés à voir l’avortement comme une opération barbare effectuée à la fourche sur un bébé de 7 kilos. En l’état, ça me parait raisonnable comme disposition.
      Par la suite, la question de la santé de la mère se pose : même en acceptant vos arguments (et non vos faits), à savoir que le foetus soit vraiment un être humain au même titre que vous et moi, il est difficile de tolérer risquer la mort d’un autre humain (la mère) pour sauver un autre humain…

      Finalement, votre dernière question allant à l’encontre de toutes les déclarations des droits de l’homme et consort des 200 dernières années, je ne daignerai pas la crédibiliser en y répondant.

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    • L’article, admirablement clair, est explicite dans sa conclusion qu’il présuppose parler à des « pro-choix ». Ce n’est pas un texte argumentant pour l’interruption volontaire de grossesse. Vous êtes donc hors du sujet…

      Je tiens à ajouter au commentaire de Jellybean que :
      1) votre dernière assertion : « sur quel fondement peut-on poser le « droit de disposer de son corps » comme un droit légitime sans autre limite que son propre désir? On ne devrait répondre à cette question qu’après avoir étudié celles qui précèdent » est complètement injustifiée. Si on estime justifié le droit à disposer de son corps, alors même sous vos hypothèses optimales (pour l’argumentation « anti-choix ») que le fœtus est un être humain, on peut décider que ce droit seul justifie pleinement l’IVG. Ainsi, on voit que non seulement cette question n’a pas à attendre une résolution des autres, mais en plus peut leur retirer toute pertinence.
      2) Votre question « Tant que l’on n’a pas prouvé qu’un être vivant n’est pas un être humain, est-on tout de même autorisé à le tuer? » présuppose (d’une part par le « tout de même » ; d’autre part car sans ce présupposé ce ne serait pas un argument contre l’IVG) qu’on a le droit de tuer un être vivant tant que ce n’est pas un humain. Je me demande bien ce qui vous justifie à dire ça, et en une manière aussi générale. Et tant qu’à se poser ce genre de questions, aussi bien se demander : « est-on autorisé à tuer ? » ou, encore mieux : « dans quelles circonstances et pour quoi tuer ? »
      (Cela dit, il n’est sans doute pas utile de répondre à ces intéressantes questions ici : ce n’est pas le sujet, et ça nous entraînerait trop loin.)

      Quant au texte lui-même, c’est peut-être dommage qu’il n’aborde pas, même en un point bref, une perspective économique. J’entends par là une réponse à une critique comme : « mais l’IVG, ça coûte cher (notamment à l’État), donc faire une IVG alors qu’on n’utilisait pas de moyen de contraception, c’est n’importe quoi ».

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  4. Merci pour la clarté de votre réponse, Jelly bean. Je suis heureux de constater que vous reconnaissez que l’on peut être d’un avis différent. Je suis cependant étonné que la conclusion vous soit moins choquante que le raisonnement ; c’est pourtant ce dernier qui permet la discussion, n’est-ce-pas?

    1. Un cadavre possède de l’ADN, certes ; mais le développement cellulaire devient nul, contrairement à l’embryon. Je suis surpris de voir contestée l’homéostasie de l’embryon : il régule lui-même sa glycémie, ses taux d’hormones (dès qu’il en est pourvu), sa reproduction cellulaire et l’élimination de ses déchets. Le fait qu’il ne produit pas son propre ARNm avant le stade de 8 cellules devrait-il conduire à conclure que l’embryon n’est pas un être vivant? Je pourrais m’étendre davantage pour prouver la vie et l’identité biologiquement humaine de l’embryon, si ces quelques indices ne suffisaient pas.

    2. Nous touchons de près les limites de votre sophisme, quand vous avancez qu’ovules, spermatozoïdes et globules s’apparentent à l’embryon en tant qu’organisme biologiquement humains. D’abord parce que vous confondez la partie et le tout (le globule appartient à un ensemble qui, constitué de tous les organismes, est un être). Ensuite parce qu’un ovule (seul) ne deviendra jamais un homme adulte.

    3. Je suis au courant de la diversité du droit positif selon les pays. Pour autant, la question demeure : pourquoi pouvoir tuer un foetus handicapé jusqu’au terme de sa grosses et quelques minutes plus tard, quand il est né, cela est-il interdit? Faut-il permettre l’euthanasie néonatale? Finalement, les bébés sont-ils des êtres humains? Qu’on ne se méprenne pas : je pose cette question avec grand sérieux, parce que les arguments que l’on m’avance pour contester l’humanité du foetus pourraient s’appliquer au nouveau-né. Le simple fait de quitter l’utérus ferait-il d’un machin un homme? Il reste aussi la question des handicapés : sont-ils des sous-foetus? Et c’est aussi avec honnêteté que je le demande.

    La dernière déclaration va peut-être à l’encontre de 200 ans de déclarations ; cela n’empêche pas de la poser. Le serment d’Hypocrate a bien interdit aux médecins de délivrer des potions abortives pendant 1400 ans, cette mention a été rayée. Le sens de ma question est le suivant : sur quoi fonde-t-on aujourd’hui le droit naturel, quand le seul critère moral qui demeure devient le choix individuel?

    Et enfin, j’ajoute que je n’ai jamais réussi à aborder ces questions sans me sentir méprisé par la partie adverse, je le regrette. Je remercie néanmoins la blogueuse d’avoir publié mes commentaires.

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    • Je peux vous expliquer assez facilement, en ce qui me concerne du moins, d’où vient le mépris de la partie adverse. J’en ai déjà parlé dans mon précédent commentaire : vous avez un jour décidé, peu-importe les raisons (religieuses, morales, antécédents familiaux ou amoureux, etc.) que vous étiez contre l’avortement. Jusque là, je ne suis pas d’accord avec vous, mais vous avez droit à votre opinion. Là où le bât blesse, c’est que _à partir_ de cette position, vous avez cherché a posteriori à la justifier par des « faits scientifiques », histoire de lui donner une apparence de rigueur objective évidente, ce qui n’est absolument pas le cas. Personnellement, je considère ça comme une manipulation, ce qui vous vaut mes commentaires quelques peu acides.

      Tenez, amusons-nous encore un peu :
      « 1. Un cadavre possède de l’ADN, certes ; mais le développement cellulaire devient nul, contrairement à l’embryon. »
      Il est maintenant possible de maintenir « en vie » les organes d’une personne cérébralement décédée (c’est souvent utilisé dans le cadre de dons d’organes). Dans ce cas, le développement cellulaire du corps est tout à fait normal, et pourrait continuer pendant de nombreuses années. Est-ce que ce cadavre est pour autant vivant? Encore une fois, vous choisissez la définition de la vie qui vous plait; dans ces conditions, difficile de contre-argumenter…

       » Je suis surpris de voir contestée l’homéostasie de l’embryon […] »
      Je ne conteste pas que l’embryon régule certaines choses. En fait, l’ovule régule déjà tous ses mécanismes cellulaires. L’homéostasie est « la capacité d’un organisme à conserver son équilibre de fonctionnement en dépit des contraintes qui lui sont extérieures ». L’embryon, et le foetus avant un stade très avancé de la grossesse, en sont clairement incapables. C’est le placenta qui fournit l’eau, les nutriments et l’oxygène à l’embryon, et qui évacue ses déchets, protège l’embryon de la plupart des virus et bactéries, etc. De votre point de vue, chacune de mes cellules est capable d’homéostasie, alors qu’il est évident qu’on parle ici d’homéostasie du point de vue de l’organisme complet pour définir la vie (ou alors une solution tampon de bicarbonate de soude est aussi « homéostatique »).

      « Nous touchons de près les limites de votre sophisme, quand vous avancez qu’ovules, spermatozoïdes et globules s’apparentent à l’embryon en tant qu’organisme biologiquement humains.  »
      Et pourtant, à partir du moment où le spermatozoïde et l’ovule sont relâchés, tout n’est qu’une question de réactions chimiques, exactement comme le développement du zygote (d’aucuns parleraient de volonté divine, mais je n’irai pas sur ce terrain glissant).

      « Faut-il permettre l’euthanasie néonatale? »
      C’est une bonne question, mais qui n’a rien de scientifique (encore…). Elle est morale, et beaucoup de pays se la posent.

      « Finalement, les bébés sont-ils des êtres humains? »
      Pour la 822e fois, vous ne comprenez pas. Dans la quasi-totalité des pays occidentaux, l’être humain au sens de la loi est constitué à la naissance. Donc oui les bébés sont des êtres humains. Point. C’est un critère totalement arbitraire qui a été choisi de façon morale, et qui fait maintenant parti des lois. Je ne comprends pas votre obstination à dénier l’évidence et à rechercher des controverses là où il n’y en a aucune : « Le simple fait de quitter l’utérus ferait-il d’un machin un homme? » Réponse : OUI, tout simplement parce qu’on en a décidé ainsi.

      Pour votre dernière question « sur quoi fonde-t-on aujourd’hui le droit naturel, quand le seul critère moral qui demeure devient le choix individuel? », encore une fois, tout simplement parce qu’on l’a décidé ainsi. L’article 4 de la déclaration de 1789 (repris par tous les autres subséquemment) dit clairement :  » l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »
      On a décidé, arbitrairement et unilatéralement, que l’embryon n’était pas humain _au sens de cette charte_. Qu’un cadavre n’était pas humain _au sens de cette charte_. Qu’un organe humain seul n’était pas humain _au sens de cette charte_. Qu’un animal n’était pas humain _au sens de cette charte_. Qu’un assassin était _tout de même_ un humain au sens de cette charte.
      Les mots ont la définition qu’on leur donne. Celle-ci peut être changée, mais ce sera toujours (à tout le moins dans nos démocraties) sur la base d’une décision commune, ou, à tout le moins, majoritaire. C’est la seule chose qui fait la légitimité de nos lois, depuis que celles-ci ne sont plus de droit divin (ce qui était quand même vachement plus simple). Il n’y a donc pas de réponse scientifique et objective à votre question, et vous le savez très bien.

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  5. Je comprends à présent pourquoi nous ne pourrons pas nous entendre (au sens de nous comprendre, parce que pour le reste, j’apprécie la clarté de vos réponses, même quand c’est pour m’insulter);

    1. Vous me préjugez.
    Comment osez-vous prétendre connaître le chemin par lequel je suis arrivé contester vos certitudes? Comment osez-vous affirmer que c’est à partir de mes propres certitudes? J’ai tout remis en cause, dans ma vie. Tout. Et je reconstruis tout peu à peu par un raisonnement que je veux honnête, à la Descartes.

    2. Le tout n’est toujours pas la partie.
    Encore une fois, on ne peut maintenir artificiellement en vie que des organes, l’être humain n’est pas la seule somme des organes. Tout de même, comparer un cadavre dont on assure une régulation du sang avec un embryon, c’est oublier l’autonomie de ce dernier dans l’exploitation de l’information qui le conditionne en vue de la constitution d’un être entier, non d’un seul organe. La cellule du cœur se reproduit en cellule du cœur, tandis que l’embryon gère le développement de l’ensemble du corps.

    3. De la définition de l’homéostasie.
    D’abord, vous me reprochez de donner une définition arbitraire de la vie ; mais vous procédez de même. L’homéostasie n’est pas une condition nécessaire à la définition de la vie : les médecins d’un service de réanimation ont pour objectif de rétablir l’homéostasie cellulaire… Leurs patients seraient-ils déjà décédés, pour qu’ils les ressuscitent? Ensuite, votre définition de l’homéostasie est exacte, mais vos exemples sont erronés : l’embryon trouve sa nourriture chez sa mère, mais où croyez-vous que vous trouvez vos nutriments?

    4. Le légalisme est un danger.
    A vous entendre, la loi n’est donc que la décision arbitraire d’une majorité. Tout n’est que consensus, tout est arbitraire. Aucune règle ne préexiste à l’homme. Peut-être. Mais alors, nous n’avons aucune leçon à donner à l’Allemagne nazie post 1933, qui a élu son chancelier (j’indique seulement où mène le raisonnement, sans pour autant comparer le contenu de la pensée ; et je ne parle que des années d’avant-guerre, au temps où le peuple dans sa majorité le soutenait). Que répondre à Eichmann qui expliquait qu’il ne fit qu’obéir à un ordre légal? Je précise encore que je recours à l’exemple nazi seulement pour le consensus qu’il offre sur l’horreur qu’il suscite. Pourquoi contester aussi la domination de la femme par l’homme, si celle-ci émane de la volonté de la majorité (même de certaines femmes)? Pourquoi en vouloir aux Etats américains qui pratiquent encore la peine de mort, si c’est la volonté du peuple, et si cela correspond à leur définition arbitraire de l’être humain? Après tout, les condamnés à morts ne sont plus « désirés » par la société. On peut facilement répondre que la liberté s’arrête là où commence celle d’autrui ; mais si on ne reconnaît pas autrui comme une autre personne? Si toutes les définitions ne valent que par le consensus qui les formule, alors toutes les définitions sont susceptibles d’être valables, y compris celles qui feraient femmes des êtres inférieurs aux femmes. Autrement dit, c’est la loi du plus fort (du plus nombreux) et c’est justement pour cette loi du plus fort que l’homme a si longtemps dominé la femme. Et s’il faut considérer l’égale dignité de l’homme et de la femme, c’est peut-être en raison de la dignité intrinsèque de tout être humain (même des trisomiques, oui : dignité inhérente, et non consentie arbitrairement par la majorité). Même si je demeure un jour le seul sur terre à croire que le viol est un crime, je continuerai de le clamer. Mais pour affirmer cela, il faut sans doute se départir de son hypothèse de départ selon laquelle aucune loi naturelle n’est inscrite en l’homme, celui-ci se déterminant à volonté selon son bon plaisir. Autrement dit, un raisonnement par l’absurde montre que sans l’idée d’un droit naturel, on ne trouve plus de limite à la liberté.

    J’ai été profondément attristé de lire un tel crédo légaliste qui considère que le bien se réduit au légal. Je ne crois pas pouvoir convaincre face à des certitudes que seules quelques expériences de la vie pourront faire vaciller. J’invite seulement chacun à accepter de pousser au bon son raisonnement : à quoi mène-t-il?
    Je rassure la blogueuse en arrêtant là mes commentaires, comprenant bien que cette page n’est pas une tribune à ma disposition.

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    • Pour moi aussi ce sera ma dernière réponse, puisque effectivement nous semblons être dans une impasse. Désolé de vous avoir offensé à propos de vos certitudes. Simplement, vous partez de « faits scientifiques » faux (en particulier sur la définition de la vie), ce qui invalide votre raisonnement, à tout le moins sur le plan scientifique et logique (ce dont vous vous réclamez). Lorsque je vous le fais remarquer, vous inventez de nouveaux exemples et sous-définitions pour revenir à la définition initiale.
      J’ai supposé que ce comportement était dû au fait que que vous étiez, comme beaucoup, plus attaché à la conclusion que vous voulez atteindre qu’au raisonnement lui même.
      Je peux m’être trompé, mais je ne vois pas d’autres raisons que celle que j’ai donnée pour tordre ainsi la réalité.

      Je reprends seulement un exemple, issu de votre premier message :
      « 1. L’embryon vit (organisme doté d’ADN, il se développe). Il possède son propre code génétique. Avorter est donc tuer. »

      Vous énoncez cela comme un fait. Or, c’est tout simplement faux. Dans les définitions de la vie (je vous réfère à Wikipédia faute de mieux sur Internet, mais il existe nombre de traités sur ce sujet, https://fr.wikipedia.org/wiki/Vie#D.C3.A9finitions ), il n’est jamais question d’ADN, ni que l’organisme doit « se développer ». Jamais.

      Vous avez bien entendu toute la légitimité pour penser cela d’un point de vue personnel, voire le présenter aux autres comme un point de vue moral valide. Mais ne venez pas dire que c’est un fait, que c’est scientifique, que c’est logique, et que vous pouvez bâtir un raisonnement là-dessus, puisque votre définition ne s’accorde avec aucune des définitions couramment données par ces mêmes scientifiques. C’est certain que si vous inventez vos propres définitions, les raisonnements sont plus faciles…

      Finalement, je ne pense pas l’avoir énoncé de cette façon, mais puisqu’il semble avoir été compris ainsi, je vais réfuter certaines choses : je ne pense pas que les lois forment un tout inaltérable au-dessus des considérations morales, je pense que ces lois sont une expression de notre moralité.
      Bien sûr qu’on peut changer une loi. Bien entendu qu’on peut être contre une loi, et le clamer haut et fort. Ce que je dis, c’est que vous posez des questions hors sujet (« Quand un humain est-il constitué? »), qui ont déjà été posées et répondues, et dont on a en fait trouvé la réponse tellement importante qu’on l’a écrite dans nos lois. Ça ne veut pas dire qu’on ne peut pas la modifier, mais ça revient à demander « Pourquoi est-ce que je n’ai pas le droit de passer au feu rouge, mais au vert oui? »

      En attendant, vous avez une position _morale_ (et non scientifique), ce qui est votre droit. J’ai ma position _morale_ (et non scientifique) sur ce même sujet. Les vegans (par exemple) ont leur propre position _morale_ sur la vie (et non scientifique), les chrétiens également. Vous avez, comme tout le monde, toute la légitimité pour exposer votre point de vue, en autant que vous n’en faites pas une vérité, un raisonnement choc irréfutable que nul ne peut remettre en question, puisqu’il est « scientifique ».

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  6. Alors déjà c’est pas des fœtus mais des embryons : La très grande majorité des interruptions de grossesse se fait dans les premières 5 à 10 semaines d’aménorrhée (correspondant à 3 à 8 semaines de développement embryonnaire)

    Ensuite, j’ai du mal avec ceux qui font un cinéma pour un embryon qu’ils tuent des animaux (qui eux ont un cerveau et un système nerveux complètement formé et peuvent donc sentir la peur et la douleur) uniquement pour son petit plaisir gustatif, si toutefois tu en mange je n’en sais rien.

    En tout cas, au début de la 4ème semaine après la fécondation, le tube neural (ébauche rudimentaire du système nerveux) se ferme, étape préliminaire du développement du cerveau et de la moelle épinière. Les premiers neurones (cellules du cerveau) se forment à la fin de la 4ème semaine. Dès le 33ème jour, on constate un développement différencié de la moelle épinière et du cerveau.

    C’est entre le 2ème et le 5ème mois que la formation de neurones atteint son maximum; elle s’achève quelques mois après la naissance. Après leur apparition, certains neurones cheminent pendant des semaines jusqu’à leur point de destination. La formation et le cheminement des neurones provoque la croissance rapide du cerveau pendant les premiers mois de la grossesse.

    La première ébauche du cortex (écorce cérébrale, substance grise recouvrant le cerveau) apparaît après six semaines. Peu à peu se développe le système nerveux. Autour de la 9ème semaine, les neurones commencent à former des synapses, c.à.d. un réseau de communication, des connexions entre les cellules du cerveau. Sans cette liaison, le cerveau ne peut transmettre aucune information.

    Et dès la 8ème semaine après la fécondation, des irritations peuvent provoquer des mouvements réflexes de l’embryon. A 18 semaines, on a observé des réactions hormonales du stress. Les réactions ou les perceptions conscientes (perception de la douleur par exemple) sont toutefois impossibles avant la 24ème semaine, l’écorce cérébrale foetale (cortex) n’étant pas fonctionnelle avant. Il n’existe pas non plus d’ondes cérébrales régulières avant ce stade du développement.

    Pour qu’il y ait potentialité d’une perception quelconque, il faut qu’il existe un minimum de cellules du cerveau dans le cortex, que ces cellules aient atteint un certain stade de développement et qu’un certain nombre de synapses (connexions entre les cellules) se soient formées. Entre la 24ème et la 30ème semaine, on observe un développement très rapide des synapses.

    « Le cervelet n’atteint sa configuration finale qu’au 7ème mois. L’enveloppe (myélinisation) de la moelle épinière et du cerveau ne commence à se former qu’entre la 20ème et la 40ème semaine de grossesse. Ces développements du système nerveux doivent exister pour que le foetus perçoive la douleur » (Déclaration de la société de gynécologie américaine). « L’écorce cérébrale n’est pas fonctionnelle avant la 26ème semaine. En tout cas, il est inexact de parler d’une «perception» ou d’une «réaction consciente» du foetus. » (Maria Fitzgerald, prof. de neurobiologie, Londres).

    Pour que le foetus puisse percevoir ou avoir conscience de la douleur, il faut que l’information sensorielle puisse être transférée vers le thalamus et le cortex cérébral. Ce n’est pas possible avant la 24ème semaine. L’absence de connexions dans le cortex signifie que la perception de la douleur n’est pas possible avant 24 semaines. Report of the Royal College of Obstetricians and Gynaecologists, London, 2010

    Puisque les embryons ne peuvent ni ressentir la douleur, ni être conscient de quoi que ce soit, j’apprécie moyennement que des personnes (surtout venant de personnes qui n’auront jamais à subir une grossesse et ne seront donc jamais concernés par un risque de grossesse non désirée ou par l’avortement) débattre tranquillement de mon droit à disposer librement de mon corps en ne se basant même pas sur des faits scientifiques.

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