Quand j’ai commencé ce blog, le lien entre genre et féminisme m’a paru se passer d’explications. Etant arrivée aux études de genre par le féminisme, l’articulation entre les deux m’a toujours semblé aller de soi. Je me rends compte cependant (un peu tard) que le sujet mérite bel et bien un éclaircissement et que le lien entre les deux n’est pas forcément évident pour tout le monde. De plus, certaines féministes s’opposent au concept même de genre et donc à son emploi, de plus en plus fréquent, dans les milieux féministes – ce qui me permet de rappeler, une fois de plus, la diversité des féminismes. On ne peut pas mettre en évidence UNE théorie féministe: il en existe de très nombreuses, variées, et parfois contradictoires, leur seul point commun étant finalement l’identification de l’existence de la domination masculine et donc d’une cause des femmes.
Je rappellerai d’abord brièvement l’origine du concept de « genre », pour ensuite expliquer l’intérêt qu’il représente pour les féminismes et enfin les raisons, telles que je les comprends, pour lesquelles certaines féministes le rejettent.
Certaines explications, du féminisme comme des études de genre, paraîtront sûrement trop courtes, voire caricaturales. C’est malheureusement inévitable, mon but n’étant pas de revenir en détail sur les fondements de l’un et de l’autre, mais de détailler leurs liens.
« Genre »: origine du concept
La filiation théorique du concept est assez complexe. On peut la faire remonter aux travaux de l’anthropologue Margaret Mead en Océanie dans les années 20 et 30, et aussi, bien sûr, à Simone de Beauvoir et à son fameux « On ne naît pas femme, on le devient », bien que ni l’une ni l’autre n’emploie le terme « genre » ou « gender ». Ce dernier apparaît dans les travaux du psychiatre Robert Stoller et du sexologue John Money (tous deux étatsuniens) bien que dans un sens et une perspective très différents de l’emploi actuel du concept. Ils s’intéressent respectivement à la transsexualité et à l’intersexualité, dans une perspective pathologisante; Money distingue le sexe du genre (qu’il considère comme la dimension psychologique du sexe) et Stoller distingue, quant à lui, genre et sexualité.
Comme l’écrit Eric Fassin, « l’invention « psy » du genre va rencontrer l’entreprise féministe de dénaturalisation du sexe » résumée par la formule de Simone de Beauvoir citée ci-dessus (cf référence en fin d’article). Dans les années 1970, il est adopté et surtout adapté par des théoriciennes féministes, notamment par la sociologue britannique Ann Oakley, dont les recherches portent sur le travail domestique des femmes. C’est elle qui introduit le terme dans le champ des études féministes qui émerge à la même époque.
Les études de genre naissent des études féministes, récentes mais déjà bien constituées. Elles s’institutionnalisent aux Etats-Unis dans les années 1980. A la même époque, cependant, les études féministes peinent à s’imposer en France en raison du stigmate de « science militante ». Les recherches sur les femmes existent et se portent bien, mais pas en tant que champ autonome. De nombreuses chercheuses féministes regardent avec méfiance le concept de « genre », considéré comme une importation américaine; il s’est cependant largement imposé depuis les années 2000.
Cette rapide rétrospective est destinée à insister sur le fait qu’il ne faut surtout pas oublier l’origine féministe du concept. On ne peut pas concevoir le genre sans le féminisme. Pourtant, il reste toujours de nombreuses féministes qui n’acceptent pas le genre; nous tâcherons plus loin de comprendre pourquoi. D’abord, je voudrais résumer les apports du concept de « genre » à la pensée féministe.
Intérêt du genre pour le féminisme
Le concept de « genre » permet d’abord de décrire des relations sociales fondées sur l’appartenance à la catégorie « homme » ou « femme ». Mais il ne faut pas s’en tenir à cet aspect relationnel: la relation n’est en effet pas symétrique mais hiérarchisée, les valeurs, représentations et comportements associés au masculin étant considérés comme supérieurs à ceux associés au féminin.
Le genre permet donc de rendre compte et d’expliquer la domination masculine à l’oeuvre dans de très nombreux aspects de la vie sociale et permettant aux hommes de profiter, en tant que groupe, du rapport hiérarchique entre masculin et féminin.
En outre, l’explication que permet le concept de « genre » ne repose pas sur des caractéristiques supposément « naturelles » des hommes et des femmes. Cela signifie que la féminité comme la masculinité ne sont pas des données de nature mais des constructions sociales: on ne naît ni femme, ni homme, on le devient. Depuis la parution du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, le féminisme a largement dénoncé l’utilisation de l’argument de la « Nature » pour justifier la domination masculine. La possession de tel ou tel attribut sexuel (qu’il s’agisse des organes reproducteurs, des chromosomes ou de toute autre caractéristique sexuelle) ne détermine pas le genre. Celui-ci est assigné à la naissance en fonction des caractéristiques sexuelles observée, mais ce n’est pas le fait que les femmes cisgenre auraient un vagin ou une pilosité peu développée qui explique qu’elles ont été privées de tout pouvoir pendant des siècles et qu’aujourd’hui encore, elles soient moins payées à niveau égal que les hommes ou forment la majorité écrasante des victimes de viol.
L’argument de « nature » est utilisé principalement de deux façons (je mets le terme entre guillemets car il n’a en fait que peu à voir avec une hypothétique nature). La première consiste à arguer de l’infériorité naturelle des femmes pour justifier leur domination; il a marché pendant des siècles mais, pour des raisons évidentes, est difficile à utiliser aujourd’hui. Le deuxième, plus subtil, reste très courant. Il consiste à insister sur la différence « naturelle » entre les sexes, présentée en même temps comme une complémentarité, qui se prolongerait dans la sphère sociale. Le sexe masculin et le sexe féminin se complètent dans la reproduction, leurs rôles sociaux devraient donc refléter ce donné naturel.
Le concept de « genre » permet donc de rendre compte de la subordination systématique des femmes en tant que groupe en insistant sur les dynamiques sociales qui rendent cette domination possible et la perpétuent. Cette explication ne se contente pas de renverser la rhétorique du dominant, fondée sur l’argument de « nature », en mettant en avant des « caractéristiques spécifiques » des femmes, qu’il faudrait célébrer et préserver. C’est là le principal point d’achoppement entre féministes pro- et anti-genre.
Arguments des féministes anti-genre
Tout d’abord, le mouvement de dénaturalisation (au sens de dénonciation de l’argument de « nature » tel que je le décris ci-dessus) n’est pas une caractéristique de tous les féminismes. Il distingue la tendance féministe constructionniste, héritière de la pensée de Simone de Beauvoir. La tendance essentialiste, ou naturaliste, repose sur l’inversion rhétorique dont je viens de parler. L’idéologie de la différence n’est pas récusée mais adaptée aux besoins d’une certaine conception du féminisme, qui repose sur l’éloge de la féminité, et notamment de la maternité, comme manière de contrer la dévalorisation du féminin dans les sociétés patriarcales. Les féministes essentialistes insistent aussi sur l’existence d’une société matriarcale originelle, dont on sait aujourd’hui qu’elle est un mythe.
On voit donc en quoi le concept de « genre », intrinsèquement constructionniste, entre en contradiction avec ce courant de pensée.
Le genre est aussi rejeté par certaines féministes radicales qui lui reprochent d’invisibiliser à la fois les femmes et la domination masculine. On ne parlerait en effet plus de la domination des hommes sur les femmes mais du genre, ce qui contribuerait, au finale, à faire disparaître à nouveau les femmes comme sujets politiques et les hommes comme bénéficiaires du patriarcat et acteurs de la domination. Les études de genre considèrent cependant que l’on ne peut pas parler de domination exercée sur les femmes sans envisager celle-ci comme relation et comme processus social, et sans envisager la façon dont elle est systématiquement construite et maintenue au quotidien. De plus, les études de genre reposent sur le principe que l’on ne peut rendre compte du statut des femmes dans la société sans parler de masculinité et la prendre pour objet d’étude. Cela ne revient pas à égaliser féminin et masculin mais, comme je l’ai écrit plus haut, à envisager les relations asymétriques (et non-univoques) qui existent entre les deux groupes.
Le concept est enfin critiqué à cause de son absence supposée de dimension politique. Parler de « recherches sur le genre », par exemple, aurait une portée politique moindre que de parler de « recherches sur les femmes ». Je considère cependant que les débats actuels suffisent largement à prouver le caractère éminemment politique et même subversif du concept de « genre ».
On peut trouver un exemple d’argumentation féministe contre le genre dans le dernier livre de Sylviane Agacinski, Femmes entre sexe et genre. Je n’ai lu que des extraits son livre et ne le critiquerai donc pas dans le détail. Je constate cependant que ses propos sur la « différence sexuelle » qui serait devenue « tabou » à cause du genre, ne se distinguent guère de ceux des militant·e·s anti-Gender que par le positionnement féministe de leur auteure. Ses propos sont d’ailleurs repris par des individus et des groupes anti-féministes et homophobes, trop contents de trouver une alliée féministe, ce qui devrait tout de même lui poser question.
(Presque) Conclusion
Je conclurai de manière quelque peu décousue, complètement éhontée et parce que je déteste conclure par de l’autopromo. Le laboratoire junior GenERe, auquel j’appartiens, organise le 19 mars à l’ENS de Lyon une conférence intitulée « Mauvais genre? », destinée à faire le point sur la controverse actuelle et, surtout, à servir de cours d’introduction aux études de genre. Je serai l’une des deux intervenantes. La conférence est ouverte à tou·te·s, dans la limite des places disponibles et sous réserve d’inscription préalable. Pour plus de détails, vous pouvez consulter le site du labo. Faites vite, plus de la moitié des places est déjà partie 🙂
Cliquez pour voir en plus grand.
Référence citée:
Eric Fassin, « L’empire du genre. L’histoire politique ambiguë d’un outil conceptuel », L’Homme 2008/3-4, n° 187-188, p. 375-392.
Je me décide à lire ton blog pour la première fois, et je trouve ton article très clair et concis 🙂 En tant que, disons, féministe débutante, ça m’a permis de comprendre plus clairement la différence entre constructivisme et naturalisme. J’étais déjà familière du lien entre genre et féminisme, mais je pense que même sans ça il n’y aurait eu aucun problème de compréhension 🙂
J’aimeJ’aime
Merci pour cet article très clair et synthétique !
N’oublions pas non plus que le mythe de la complémentarité naturelle/sociale femmes/hommes est l’argument de base du maintien de l’hétérosexualité comme élément structurant et dominant de notre société.
(PS: petite coquille dans la dernière phrase du dernier paragraphe de la 2ème partie 🙂 ).
J’aimeJ’aime
Vous avez complètement raison, j’aurais dû en parler.
En revanche je ne vois pas de coquille, vous pouvez préciser?
J’aimeJ’aime
« C’est là le principal point d’achoppement entre féministes pro- en anti-genre. »
deviendrait « et anti-genre » (au lieu de « en »).
Pour le reste, très bon article comme toujours.
J’aimeJ’aime
« On ne parlerait en effet plus de la domination des hommes sur les femmes mais du genre, ce qui contribuerait, au finale, à faire disparaître à nouveau les femmes comme sujets politiques et les hommes comme bénéficiaires du patriarcat et acteurs de la domination. » (final 🙂 )
J’aimeJ’aime
Je me permets: je pense que c’est « pro et anti genre »et non « pro en anti genre » . Rien de grave! Sinon, article intéressant comme toujours.
J’aimeJ’aime
« entre féministes pro et anti-genre » tu as écrit « entre féministes pro en anti-genre » lapsus révélateur? 😉 sinon, le début pathologisant du concept n’est-il pas important pour comprendre la résistance à celui-ci? mais j’avais aussi entendu une conférence d’Anne-Marie Houdebine dans laquelle elle expliquait que le genre était pour elle une façon de ne pas dire le sexe (de cacher le sexe en fait, justement une invisibilisation )
J’aimeJ’aime
Hum… Je ne suis pas d’accord, en ce que genre et sexe sont différents, et qu’on peut très bien parler des deux.
Il me semble, après, que le problème se situe plus dans les stéréotypes de genre que dans le sexe: Le problème, tel que je le conçois, n’est pas qu’on soit un homme ou une femme, que dans le fait qu’un genre est assigné à notre sexe, et définit le reste de notre vie.
J’aimeJ’aime
Excellent article et très clair !
J’ai aussi noté une coquille, peut-être la même : « au final » sans -e
Merci pour ce blog que je lis avec assiduité.
J’aimeJ’aime
En fait, ça s’écrit bien avec un -e, « le final » n’existe pas 🙂
J’aimeJ’aime
Merci pour ce billet 🙂
Clair, synthétique et expliquant clairement les origines des études de genre et surtout ce qui différencie les constructionnistes des essentialistes 🙂
En espérant que ça fasse avancer les choses dans le bon sens pour plus d’égalité entre les individus!
J’aimeJ’aime
Bonjour Anne-Charlotte, merci pour ce texte très éclairant.
J’ai une question sur une phrase de ton article : « On ne peut pas concevoir le genre sans le féminisme. »
Comme tu le dis, le genre est historiquement issu des réflexions féministes sur les rôles hommes/femmes, on ne peut donc, si on regarde l’histoire du concept, séparer les deux.
Mais maintenant ? Ne serait-il pas possible de faire usage du concept de genre sans pour autant être féministe ? Voire même pour défendre des points de vues anti-féministes ?
J’aimeJ’aime
Il me semble que c’est ce qu’essaient de faire les gens de Civitas et de la Manif pour tous: Pour autant qu’ils comprennent quelque chose au genre, leur attitude semble pouvoir parfois se résumer à « le genre existe, mais il est indissociable du sexe, et il faut le renforcer ».
Il me semble en effet qu’ils ont davantage pris conscience des stéréotypes de genre, et cherchent à accentuer leur emprise sur notre société.
Enfin, ça, c’est autant que je puisse dire, hein, je suis peut-être totalement à côté de la plaque 😀
J’aimeJ’aime
« La tendance essentialiste, ou naturaliste, repose sur l’inversion rhétorique dont je viens de parler. L’idéologie de la différence n’est pas récusée mais adaptée aux besoins d’une certaine conception du féminisme, qui repose sur l’éloge de la féminité, et notamment de la maternité, comme manière de contrer la dévalorisation du féminin dans les sociétés patriarcales. »
et « Cela ne revient pas à égaliser féminin et masculin mais, comme je l’ai écrit plus haut, à envisager les relations asymétriques (et non-univoques) qui existent entre les deux groupes. » >>> cela reste pour moi un mystère : le féminisme différentialiste/essentialiste repose-t-il donc en partie sur cette incompréhension de ce que sont exactement le genre, les études de genre, et le féminisme égalitariste ?
Par ailleurs, je me demande sincèrement comment on peut tenir un discours essentialiste/anti-genre et être féministe : défendre la différence et également la complémentarité, c’est tout de même immédiatement problématique, c’est bien le gros des discours des anti-mpt quand on y repense, de même l’origine d’une pensée hétérocentrée…
Et je vois mal, pour cette pensée différentialiste, où s’arrête la « différence » et où commence le stéréotype, ou bêtement ce qu’on répondrait si on posait la question « qu’est-ce qu’être une femme / un homme ».
Bref ^_^ merci pour cet article qui éclaire considérablement ma lanterne sur cette affaire !
J’aimeJ’aime
On pourrait considérer par exemple que les différences de genre existent dans toutes les sociétés donc qu’elles doivent avoir une utilité (pas forcément un fondement naturel d’ailleurs) et que dans une société où la différence existe et est même exacerbée, il serait intéressant de prendre acte de la situation différenciée entre hommes et femmes et revaloriser le pôle féminin, c’est-à-dire le parent pauvre des politiques d’égalité homme-femme : ménage, foyer, cuisine… etc.
Comme je le comprends, ce n’est pas défendre la différence, c’est changer ce qui est une inégalité entre masculin et féminin en une différence. Ce n’est pas incompatible avec l’homosexualité par ailleurs et ça ne défend pas forcément non plus une complémentarité. Mais on pourrait très bien envisager des hommes féminins, des femmes masculines… etc. D’un certain côté, je ne suis pas certain que ce ne serait pas une posture que Butler pourrait avoir.
J’aimeJ’aime
Lecteur assidu je n’ai encore jamais commenté. Je franchi le pas dans une optique totalement intéressée, est-ce que la conférence du 19 mars sera filmée et éventuellement disponible en streaming ou téléchargement pour les non-Lyonais?
Merci
J’aimeJ’aime
Elle devrait être filmée, oui, et mise en ligne sur le site du labo (et probablement ici-même).
J’aimeJ’aime
Pingback: Alain Soral et la masculinité - GenERe - Genre: Epistémologie & Recherches
« Cela signifie que la féminité comme la masculinité ne sont pas des données de nature mais des constructions sociales: on ne naît ni femme, ni homme, on le devient. »
En tant que transidentitaire, je me sens insulté par ces quelques mots qui renient, de fait, tout ce que je suis…
Depuis ma naissance, mon corps est celui d’un homme et mon éducation a été faite en ce sens ; martelée même, lorsque je laissais s’exprimer mon genre et non mon sexe physique. « Soit fort, tu es un homme », « un homme ça ne pleure pas », ces phrases et d’autres plus humiliantes encore, je les ais par trop entendues et aujourd’hui encore (j’ai la quarantaine) leur souvenir est parfois plus que douloureux. D’autant plus douloureux d’ailleurs que les mêmes personnes ont parfois le culot de ressortir les mêmes phrases depuis le décès de ma femme, il y a trois ans.
Alors oui, affirmer que l’on devient homme/femme et que cela serait dû tant à l’influence sociale qu’à l’influence éducationnelle, est insultant ; aussi insultant que les propos que l’on peut entendre proférer par l’autre camp. Et pourtant, moi j’ai la chance de bien vivre ma transidentité et d’arriver à accepter mon corps tel qu’il est. D’autres n’ont pas cette chance et certains souffrent, mentalement mais aussi physiquement, de cette dualité genre/corps. C’est principalement le cas des hommes nés dans un corps féminin et qui, au plus fort de l’excitation sexuelle, peuvent ressentir une réelle douleur dû à leur faible capacitée érectile. N’avoir qu’un clitoris et ressentir dans tout son corps le désir érectile d’un homme EST physiquement douloureux et, pour certains, une ruine pour leur sexualité car cette douleur est telle qu’elle met fin à tout désir.
D’autres douleurs sont plus psychologiques, telle que ce désir impérieux que je ressens, depuis des années déjà, d’avoir un enfant… J’en ai deux, mais ce ne sont pas les miens, ce sont ceux de ma femme ; c’est elle qui les a porté en son sein. Leur naissance a été un plaisir pour l’être humain que je suis, mais n’a eu, fort logiquement, aucune incidence sur ce désir de maternité que je ressens au plus profond de mon être.
Votre blog est bien pourtant, mais cette occultation, par ignorance visiblement, d’une partie pourtant intégrante du problème, sert peut-être la cause des féministes, mais elle désert largement la cause des personnes qui ont, elles, un réel besoin d’une reconnaissance tant sociale que législative ; tant une reconnaissance de leur existence, qu’une reconnaissance de leurs souffrances. Pire, cette occultation sert avant tout la cause des anti-genres de tout bord, car elle réduit la notion de genre à une question sociologique qu’elle n’a jamais été et ne sera jamais qu’aux yeux des ignorants qui ont la chance d’avoir un genre en adéquation avec leur corps, quelque puisse être, par ailleurs, leur envie de briser les carcans sociétals imposés à ce genre.
Car là, et là seul, se situe la cause féministe. En ce sens les féministes anti-genres sont bien plus proches de la réalité que les autres. Vous ne luttez pas pour une reconnaissance de votre genre, mais pour une abolition des limitations dû au genre. Vous ne voulez pas être considérées comme l’homme que vous n’êtes pas, mais que les hommes et les femmes, et donc les deux genres, soient considérés à équalité.
Il est dommage que des femmes, mais aussi des hommes, souffrent d’avoir été d’obéissants enfants qui suivent attentivement le modèle que leurs parents et la société a cherché à leur imposer. Pour autant, il ne tient qu’à eux de briser ce carcan, il y a longtemps déjà que la société des devenues suffisement tolérantes pour que l’écrasante majorité d’entre-eux puissent s’y épanouir selon leur propre volonté. Métro-sexuels, garçons manqués, ils sont certes encore moqués par un trop grand nombre, mais ils ont l’avantage d’être acceptés et reconnus par la majorité.
Néanmoins, ce n’est que cela, une question de volonté, qu’elle soit d’obéissance ou d’indépendance. Les transidentitaires, eux, sont tout simplement coincés par la réelle nature du problème. Qu’ils acceptent leur corps, comme moi, ou qu’ils subissent une réattribution sexuelle complète, ils restent coincés à vie dans leur dualité corps/genre. Certes, pour les derniers cités leur corps ressemble maintenant à leur genre, mais quand bien même suivrais-je leur chemin, que mon corps ne ferait que cela, ressembler à mon genre ; jamais il ne me permettrait d’assouvir enfin ce désir de maternité qui certains jour me ronge au plus profond de moi…
J’aimeJ’aime
Je suis profondément désolée si quoi que ce soit vous a insulté, mais je dois avouer que je ne comprends pas en quoi cette phrase pose problème et que j’ai du mal à comprendre vos explications. J’ai l’impression que nous ne parlons pas tout à fait de la même chose, et qu’il y a peut-être un malentendu sur la définition du concept et la manière dont il est utilisé dans la recherche. Comprenez-moi bien, je ne cherche pas à nier votre expérience et votre ressenti propre sur cette question; je crois seulement que vous voyez un désaccord là où il n’y en a peut-être pas. Je vais vous dire ce que je comprends de votre commentaire, et vous pourrez me corriger si je me trompe.
J’ai l’impression que votre indignation naît du fait que je présenterais le genre comme quelque chose de purement social, sans lien avec la matérialité des corps. J’insiste, dans cet article notamment, sur l’idée de construction sociale afin de faire comprendre comment le concept est né et comment il sert à critiquer l’idéologie de la nature telle qu’on la retrouve, notamment, dans les discours des anti-gender. Le genre est une construction sociale, il est donc en cela largement arbitraire (bleu pour les garçons, rose pour les filles, etc). C’est aussi un système normatif extrêmement violent, comme vous le soulignez; mais à nouveau, sa dimension normative implique son caractère arbitraire.
Cependant, ce système s’exerce aussi sur et par le corps, et c’est une dimension très importante. Judith Butler, par exemple, parle beaucoup du rapport entre système du genre et matérialité des corps, dans un ouvrage comme Ces corps qui comptent. Cette question est abordée dans d’autres articles de mon blog, notamment celui-ci. Je cite cet article (que je n’ai pas écrit):
« D’où part l’analyse du genre butlérienne si ce n’est d’une attention aux corps, notamment aux corps qu’elle appelle « invivables » ou « illisibles » en ce sens qu’ils ne sont pas interprétables au sein du cadre de l’hétérosexualité reproductive. Autrement dit, les corps qui ne sont pas conformes aux normes de genre, les corps qui manifestent un écart, une incohérence entre un sexe, un genre, une sexualité (par exemple, un garçon qui se comporterait « comme une fille » et/ou serait homosexuel) sont rejetés, symboliquement, socialement, physiquement. Parce que Butler part des violences subies concrètement et quotidiennement par ceux qui dérogent à la loi du genre, on ne peut pas sérieusement l’accuser de faire comme si tout cela n’était qu’affaire de mots et de création de soi. Penser le genre et les injonctions normatives qui l’instituent c’est, comme le rappelle Elsa Dorlin, rester attentif à « la force punitive que la domination déploie à l’encontre de tous les styles corporels qui ne sont pas cohérents avec le rapport hétéronormé qui préside à l’articulation des catégories régulatrices que sont le sexe, le genre et la sexualité, force punitive qui attente à la vie même de ces corps » (Sexe, genre, sexualités, p. 127). »
J’espère que mon propos est plus clair maintenant…
J’aimeJ’aime
Merci de votre réponse.
« Parce que Butler part des violences subies concrètement et quotidiennement par ceux qui dérogent à la loi du genre, on ne peut pas sérieusement l’accuser de faire comme si tout cela n’était qu’affaire de mots et de création de soi. »
Désolé, mais mon poil se hérise à nouveau 😉 C’est le côté dérogation qui me déplait ici, car je n’ai pas le sentiment de déroger à quoi que ce soit, encore moins à une loi, qui plus est naturelle, et il ne me semble pas qu’il existe des transidentitaires qui aient cette impression. Ce n’est probablement pas volontaire, mais cela me fait penser aux accusations d’acte contre nature que certains attribuent encore aux gays. Car au final c’est cela qui ressort de vos propos, déroger à la loi du genre, c’est déroger à une loi de la nature, donc à quelque chose qui ne peut être transgressé que par mutation ou par volonté délibérée.
J’ai bien conscience que ce n’est pas là votre pensée, mais c’est ce qui peut être compris de part la façon dont vous l’exprimez. Néanmoins, la faute ne vous incombe pas à proprement parler, elle incombe plus à votre prédécesseurs…
Dans votre article, vous citez Stoller, le premier à avoir clairement défini la notion de genre, dans « Sex and Gender », en 1967 si ma mémoire est bonne. Vous précisez ensuite que la définition actuelle n’est pas celle qu’il avait utilisé lui-même. Le problème se situe dans cette différence ; ou dans l’amalgame autour du terme « genre ».
Du point de vue de Stoller, qui est finalement aussi celui des transidentitaires, le genre est la perception personnelle de sa propre identité sexuelle. Du point de vue féministe, et disons « moderne », sa définition serait plutôt à l’opposée. Le genre est, pour prendre un raccourcit, la perception sociétale du comportement que l’on doit ou non avoir en fonction de son identité sexuelle (enfin celle de son corps).
Les deux définitions sont valides, mais comme elles expriment deux points de vues opposés, elles créent de fait bien des problèmes. Si l’ont lit votre article, et dans son ensemble votre blog, en ayant à l’esprit la définition moderne, il est parfaitement cohérent et n’a rien d’insultant. Par contre, si on le lit avec à l’esprit la définition de Stoller, ce serait plutôt le contraire.
Mais je suppose, à y réfléchir, que l’inverse doit être tout aussi vrai. Nombre de femmes, féministes ou non, doivent probablement se sentir insultées en lisant un blog transidentitaire, puisque ceux-ci parlent du genre comme d’une réalité intangible que l’on acquiert dès la naissance et que l’on ne peut en aucun cas changer. Pour quelqu’un cherchant à briser les barrières imposées par le genre (dans sa définition moderne), cette affirmation d’immuabilité doit être dure à avaler.
Peut-être serait-il temps, non pas d’enterrer la hache de guerre, car je ne pense pas qu’il y ait eu un jour conflit entre les deux causes dont il est question ici, mais plutôt de travailler main dans la main. Un même terme pour désigner deux notions qui n’ont au final rien en commun, cela ne servira les intérêts ni des uns, ni des autres.
De nos jours, l’on ne s’étonne pas que les sciences dites « dures » avançent à pas de géant et que de nouveaux termes, de nouvelles définitions apparaissent chaque jours, réformant parfois tout ce que l’on pouvait avoir appris à l’école. Peut-être serait-il temps que les sciences humaines s’adaptent à leur tour, car là aussi les choses avancent à pas de géant, alors que les notions et les termes restent, eux, relativement figés.
Stoller a défini la notion de genre quelques années à peine avant ma naissance, aujourd’hui et depuis quelques années déjà une part de la population revendique son droit à la reconnaissance de leur dualité corps/genre. Une trentaine d’années entre l’apparition de la notion et la revendication organisées des personnes qui se reconnaissent en elle. Puisque je suis ici, comparons au temps qu’il a fallut au féminisme pour naitre puis grandir. Toutes les sciences avancent plus vite de nos jours, mais les sciences humaines pèchent encore par leur retard accadémique et c’est, au final, la cause de notre présent désaccord et de l’incompréhension mutuelle qui en est la source.
J’aimeJ’aime
Pingback: Comprendre les études de genre : mes points de départ – 2/2 | Espaces Réflexifs
Merci pour ton article! je me posais justement la question de comprendre le lien entre genre et féminisme, même si j’avoue je n’ai pas entièrement compris, peut être par manque de « culture » féministe.
J’aimeJ’aime
Finalement je vais essayer de résumer ce que tu dis dans ton article pour voir si j’ai compris :
Tu pars du principe que l’homme et la femme sont totalement égaux mais que seul le sexe biologique est diffèrent. C’est-à-dire qu’il est normal pour un homme d’avoir deux testicules et pour la femme deux ovaires. Ce sont les caractères sexuels primaires.
En revanche, toutes différences entre l’homme et la femme qu’on constate aujourd’hui – l’homme et la femme étant égaux par postulat sauf pour le sexe biologique – s’explique par un produit sociale, une pression de la société, une violence aussi faites sur les femmes qui provoquerait des différences de comportements, de goût qui n’ont pas lieu d’être.
Normalement, sans cette pression sociale, il devrait y avoir autant d’homme attirés par les hommes que de femme attirées par les femmes. Tous ces comportements devraient être indépendants du sexe biologique, donc simplement réduit à leur répartition statistique. 50 pour cent d’homme de genre féminin, 50 pour cent de femme de genre masculin , 50 pour cent de femme et d’homme en mathématique dans le supérieur et ainsi de suite pour toutes les choses qu’on puisse imaginer.
Voila
Ma critique personnelle sur cet article :
Je ne pense pas qu’on puisse considérer les études de genre comme de la science à proprement parlée. La science c’est la chimie, la physique, les mathématiques et les sciences du vivant, la biologie…
Tout le reste n’est que science humaine mais ce ne sont pas des sciences ! Et je trouve assez malhonnête de parler de » laboratoire » pour des études de genre, vous voulez y coller l’étiquette science pour en faire un argument d’autorité : » C’est la science, c’est CQFD « .
Enfin, il me semble que le premier à avoir parlé de Gender, c’était un médecin qui avait expliqué à une famille dans les années 50 que si elle laissait l’enfant dont le pénis avait été détruit lors d’une opération que si elle l’éduquait comme une fille, il deviendrait une fille. Pas de chance, à 14 ans, la voix a muée, il voulait » redevenir un homme » et il finitpar se suicider vers l’âge de trente ans.
J’aimeJ’aime
Bertuccio, il va falloir équiper son cerveau dans le dur et donc :
1 – arrêter de lire salon beige et café voltaire : cette histoire de jumeaux dont l’un a eu le pénis endommagé est hors sujet. La manif pour tous s’en gargarise. Mais vous serez excusé pour cette fois. Même Onfray se vautre dans la littérature qui sent pas super bon.
2 – si vous voulez de la science dure, alors allez là et revenez nous en parler dans quelques jours.http://allodoxia.blog.lemonde.fr
Bonne route et revenez nous mieux informé. (je sais, c’est long, c’est du travail mais la liberté est à ce prix)
Bonne journée.
J’aimeJ’aime
« Tout le reste n’est que science humaine mais ce ne sont pas des sciences ! »
Je ne vois pas pourquoi on se fait chier à faire de l’épistémologie. C’est aussi simple que ça.
Moi j’aimerais bien que vous me décriviez en quoi la physique est plus une science que la sociologie.
Chiche.
J’aimeJ’aime
Les mathématiques, la physique, la chimie … sont basés sur des raisonnement rigoureux, par les sciences humaines.
Un résultat en mathématique comme par exemple le théorème de Gauss ont été démontré ce qui veut dire qu’il n’y a pas matière à opinion, c’est vrai ou c’est faux… Ce n’est pas le cas de la sociologie et de toutes les sciences molles.
J’aimeJ’aime
j’ai ici un article assez éclairant sur la question de l’objectivité en sciences sociales: http://uneheuredepeine.blogspot.fr/2014/03/avoir-un-point-de-vue-ca-narrive-pas.html
J’aimeJ’aime
Merci pour votre lien, mon dieu, j’ai fait des fautes d’orthographes horribles dans mon précèdent post…
J’aimeJ’aime
Pingback: De quoi le genre est-il le nom? Le genre, les genres (2) | Espaces réflexifs