Je l’ai souvent expliqué, le genre est un système qui distingue l’humanité en deux catégories étanches, « femmes » et « hommes », et crée en même temps une hiérarchie entre ces catégories. Mais le genre concerne aussi les représentations, symboles et valeurs associés à chaque catégorie.
Posez-vous la question: quel adjectif associez-vous aux mots « homme » et « femme »?
Lesquelles de ces caractéristiques sont positives? négatives?
Et surtout: lesquelles sont les mieux socialement? Lesquelles sont susceptibles de vous placer dans une situation de pouvoir?

Ces bodies Petit Bateau ont créé la polémique en 2011 pour leur caractère stéréotypé.
J’ai posé la première question récemment sur Twitter et Facebook pour une conférence que je préparais pour le laboratoire GenERe. J’ai ajouté les adjectifs qui me venaient à l’esprit et d’autres cités par l’anthropologue Françoise Héritier (dans La plus belle histoire des femmes). Puis je me suis un peu amusée avec les résultats (on s’amuse comme on peut).
J’ai divisé, de manière subjective évidemment, les adjectifs en positif / négatif selon leur perception sociale. Ce qui donne quelque chose comme ça:
CARACTERISTIQUES « FEMININES »
Poitives: fragile, douce, tendre, attentionnée, coquette, dévouée, naïve, pudique, attentive, discrète, aimante, sensible, jolie, belle, forte, attentive, maternelle, propre, rangée, patiente, compatissante, inspirante, rêveuse, soigneuse, fertile, stable, éducatrice, mystérieuse, protectrice, insaisissable, battante, brillante, élégante.
Négatives: faible, curieuse, bavarde, jalouse, frivole, irrationnelle, hystérique, dépensière, peureuse, cancanière, facile, pleurnicharde, superficielle, volage, versatile, vénale, passive, étourdie, maladroite, douillette, émotionnelle, fatale, cucul, compliquée.
CARACTERISTIQUES « MASCULINES »
Positives: fort, rationnel, volontaire, courageux, déterminé, actif, légitime, sérieux, simple, manuel, sportif, drôle, franc, juste, charismatique, artiste, bricoleur, musclé, carré, direct, bon, protecteur.
Négatives: violent, infidèle, obsédé (par le sexe), turbulent, dominateur, prédateur, sale, désordonné, stupide, bestial, dur, dominant.
Quelques remarques sur ces résultats hautement scientifiques (ce n’est pas une étude américaine mais presque).
J’ai obtenu beaucoup plus de réponses concernant les femmes que les hommes. Cela est peut-être dû au fait que ce sont surtout des femmes qui m’ont répondu; je pense que c’est aussi dû au fait qu’il y a plus de stéréotypes et d’injonctions qui s’attachent aux femmes.
La colonne « positives » pour les femmes est de loin la plus fournie. La colonne « négatives » pour les hommes est la plus courte MAIS ces caractéristiques sont aussi beaucoup plus inquiétantes que les caractéristiques négatives attachées aux femmes: violent, prédateur, bestial…
On ne retrouve que deux caractéristiques en commun pour le masculin et le féminin. Parmi les caractéristiques négatives, il n’y en a aucune n’est attachée au masculin ET au féminin. Deux caractéristiques positives semblent partagées: forte / fort et protectrice / protecteur. Mais il existe cependant une asymétrie fondamentale entre ces deux caractéristiques. Une femme forte est une femme battante, courageuse… qui a donc des caractéristiques positives généralement associées aux hommes; un homme fort est un homme musclé, ou un homme de pouvoir (l’homme fort du pays / du régime/ du gouvernement). Une femme protectrice l’est envers ses enfants (le stéréotype de la mère-lionne); un homme protecteur l’est envers sa femme et/ou ses enfants.
Ces adjectifs fournissent un portrait assez complet de La Femme™ et L’Homme™ dans la société patriarcale. J’imagine que ces portraits ne seront une surprise pour personne, mais il est important de les confronter en se demandant, comme je le disais plus haut, quelles caractéristiques sont les mieux connotées socialement. La société patriarcale juge de façon positive une femme belle, douce, tendre, attentionnée; mais aucune de ces caractéristiques ne lui conférera de pouvoir, contrairement à « rationnel », « courageux », « déterminé », « légitime ». Et comme je l’ai déjà dit, il existe beaucoup de stéréotypes négatifs associés aux femmes, beaucoup moins pour les hommes mais ces derniers sont plus inquiétants.
Tous ces stéréotypes limitent pareillement les possibilités d’expression et d’action des individus, ils sont tous nocifs à leur manière. Mais il n’en reste pas moins qu’ils contribuent, selon les critères de la société patriarcale, à maintenir les femmes dans une situation de subordination, l’inverse n’étant évidemment pas vrai.
Dernière remarque pour finir: ce rapide sondage est complètement race-blind (il ne fait pas attention à la « race » au sens social). Je pense qu’il reflète des stéréotypes patriarcaux attachés par défaut aux femmes blanches et aux hommes blancs. Il serait intéressant de voir comment ces caractéristiques varient en prenant en compte d’autres paramètres comme la « race ».
Cet article est arrivé dans ma boîte à l’instant même où je terminais un email à un ami lui demandant ce qu’il entendait par « différences naturelles » (non culturelles) entre hommes et femmes. Heureuse coïncidence 🙂
Je trouve qu’il y a aussi beaucoup d’adjectifs « individuels » pour l’homme, et qui prennent en compte les autres (dévouée, attentionnée, éducatrice) pour la femme. Rien d’étonnant, mais c’est marquant de le voir comme ça.
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Une démonstration claire. Ce qui me déprime le plus c’est cette opposition constante entre les hommes et les femmes, comme si c’étaient deux espèces différentes (hommes qui viennent de Mars/Guerre, femmes qui viennent de Vénus/Beauté). La société nous pousse jour après jour non pas seulement à différencier, mais bien à opposer le plus possible plutôt qu’à chercher les points communs… ça me rend un peu triste car une fois qu’on a pris conscience de ça, on le remarque partout, tout le temps. Vous avez une solution pour éviter que la folie de notre société me rende fou également ? 😮
Très bon article, bon continuation !
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Naïve et fragile ne me semble pas être des qualités, mais bon, je ne suis qu’une fragile femme un peu naïve 🙂
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« semblent », bien sur…
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« légitime » ?? @.@ Un combat, une revendication, un désir, un droit, un descendant, peuvent être légitimes. Le français est ma langue maternelle et je n’ai aucune idée de ce que peut bien être « un homme légitime ». C’est peut être pas important mais je voulais le dire quand même.
Et puis, dans les sections littéraires et artistiques il n’y a que des filles (*´∇`)ノ Il parait d’ailleurs que c’est sexiste: il manque de filles dans les filières scientifiques. Donc « artiste » est féminin !
Je vous prit de replacer aussi « sérieux » du côté des filles. Je n’ai cessé d’entendre pendant mon école primaire que les filles sont plus sérieuses que les garçons, toutes les mères de familles le disent !
Je leur laisse pas grand chose aux mecs… bon aller, je leur disputerais pas « musclés » et « stupide », ça leur va si bien XD
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C’est clair que c’est avec un commentaire constructif du genre qu’on va faire avancer les choses…
Après, c’est peut-être de l’humour, mais ça me laisse un peu de glace.
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Je m’interroge sur le mot « légitime » chez les hommes. Je ne vois pas bien ce qu’il vient faire là, il me semble que c’est un adjectif qui ne sert à rien hors-contexte… ou alors ledit contexte est sous-entendu et je suppose qu’on en revient à « dominant ». Bref, je sais pas bien.
Je constate aussi qu’une grande partie des adjectifs féminins sont des synonymes de
« superficielle », ce qui me semble assez révélateur d’une mentalité.
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Je trouve l’homme un peu rabaissé dans ces comparaisons de caractéristiques. Ses qualités sociales sont quand même présentes… L’homme n’est pas qu’un être individualiste et heureusement pour tout le monde!
Il me semble que ces stéréotypes sont un peu dépassés et que, malgré tout, les choses ont évolué. Le féminisme est pour beaucoup dans l’avancée des droits de la femme. Malgré tout, il reste du chemin à parcourir. Et pour cela, ne serait-il pas mieux que le féminisme se renomme l’égalitarisme? Ainsi, les hommes seraient moins effrayés et beaucoup plus concernés par la cause.
Car je crois qu’aujourd’hui une grande majorité d’hommes sont en adéquation totale avec un ensemble de vos actions mais ils ont l’impression que les féministes veulent inverser la tendance. L’égalitarisme permettrait d’effacer ces doutes et donc de rallier beaucoup d’hommes dans ce combat du quotidien que sont les droits de la femme.
PS: ceci n’est qu’un conseil masculin… pas toujours les meilleurs parait-il! 😉
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C’est intéressant ce que tu dis, évidemment que les hommes ne sont pas tous individualistes, seulement les caractéristiques listées dans cet article reflète ce qu’on associe aux hommes et aux femmes. Evidemment que ça reflète aussi des préjugés etc… simplement on associe souvent les hommes à l’indépendance, le côté « pas forcément besoin des autres » est assez valorisé, dans la culture populaire par exemple.
Quant à savoir si le féminisme devrait s’appeler égalitarisme ou humanisme, j’ai longtemps pensé ça aussi, mais finalement c’est plutôt de la langue de bois (un peu comme « inégalités hommes/femmes » qui remplace « domination masculine » pour faire oublier qu’il y a un système de domination qui est à l’oeuvre et dont on est tous prisonniers). Appeler ça de l’égalitarisme reviendrait selon moi à occulter encore plus le patriarcat et le fait qu’il y a une domination à l’oeuvre.
En tant qu’homme il est assez difficile de percevoir les problèmes et d’adhérer au féminisme, car on se sent souvent agressé, sans forcément comprendre ou chercher à comprendre. Le tout est, selon moi, de bien comprendre que les hommes sont privilégiés dans notre société, ce qui ne veut pas dire qu’ils sont forcément mauvais. Il faut différencier les individus de ce système de pensée patriarcal, que nous véhiculons tous plus ou moins. C’est ce système de pensée qui est mauvais, et il se trouve que c’est un système de domination des hommes sur les femmes. Corrigez moi si je me trompe, mais le féminisme, ça n’est pas être contre les hommes, mais pour les droits des femmes, l’égalité des droits et des représentations. La nuance est quand même énorme, car d’un côté on est contre des individus, et de l’autre on est contre un système qui emprisonne tous les individus.
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Bonjour, premièrement à THM : je pense que les personnes qui pensent que les féministes veulent des privilèges plutôt qu’enfin atteindre une égalité hommes-femmes n’ont ni suivi le mouvement dans le passé, ni compris le mouvement dans le présent. À ces hommes je leur conseille de se renseigner auprès de femmes (qui, contrairement à eux subissent la domination masculine) et de femmes activistes (qui elles, non seulement la subissent mais aussi la combattent), ils pourront peut-être réviser leur jugement à ce sujet.
Ensuite à l’auteure de cet article je pose la question : le problème vient-il 1) du fait de coller des qualités «innées» aux femmes et aux hommes, ou bien vient-il : 2) du fait que la société rabaisse systématiquement ces qualités quand elles sont «féminines» ? 3) Ou les deux ? Dans le cas 2) et 3) est-ce que certaines féministes ne font pas exactement la même chose que les patriarches en rabaissant systématiquement ces qualités «féminines» et en souhaitant simplement, plutôt que régler le problème de fond, que les femmes aient accès aux qualités «masculines» valorisées ? Dans le cas 1) Comment les féministes font-elles pour déterminé ce qui est inné de ce qui est acquis ?
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Mais ça fait un certain temps que les caractéristiques masculines « positives » perdent du terrain dans l’appréciation collective, quel qu’ait été leur prestige passé. Peut-être un juste retour de bâton, encouragé par une certaine forme de simplification des positions féministes.
J’ai complètement intériorisé, étant gamin, le discours social ambiant (dans ma famille, à l’école, et via les médias, en tout cas ceux auxquels j’avais accès étant gamin, genre france inter et télérama) qui insistait essentiellement sur les caractéristiques féminines positives et sur les caractéristiques masculines négatives. Au point que les femmes apparaissent comme des êtres très nettement supérieurs moralement. Je peux citer deux exemples flagrants de cette tendance : la chanson « Miss Maggie » de Renaud (femme je t’aime… à part peut-être Mme Thatcher), et l’idée que les femmes en politique amènent forcément une gouvernance plus humaine (cf. société du Care de Martine Aubry), qui présentent les femmes comme « naturellement bonnes » (et par contraste les hommes comme « naturellement mauvais »).
Au final, ces nouveaux stéréotypes sexistes en miroir ne font effectivement pas tellement plus de bien que les anciens.
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Ce qui me frappe dans cette liste de caractéristique c’est que quasiment l’exclusivité des caractéristiques positives associées ci-dessus à la femme se repose plus sur un état « d’être » que sur « l' »agir ». (toutes sauf peut-être « battante »). C’est à dire que c’est de caractéristiques que l’on a ou que l’on a pas mais qui ne reposent pas sur une action, une mise en mouvement.
A l’inverse beaucoup de caractéristiques positives données aux hommes sont attaché à l’action et à l’activité, (par exemple: « actif », « courageux », « déterminé », « volontaire », « manuel », « artiste », « bricoleur », « sportif », « fier », « charismatique »).
Alors certe il est regrettable que dans les yeux de la sociétés c’est caractéristiques soient distribuées ainsi.
Mais il me semble qu’il y a quelque-chose de au moins deux fois plus regrettable, c’est que les femmes réclament ses caractéristiques, mais ne les prennent pas. Ce que je veux dire par là c’est que ces caractéristiques ne sont pas des caractéristiques que l’on acquière passivement, ou que l’on obtient parce-qu’on les a demandées. C’est des caractéristiques que l’on obtient en passant à l’action, et pas forcement en passant à l’action lorsqu’il n’y a aucun obstacle et que la voie et dégagée, mais en étant « courageux », « déterminé » et « volontaire » fasse au obstacles.
Ce que je regrette en pratique c’est que dans beaucoup de domaines, ou il s’agit de passer à l’action, ou de créer des choses nouvelles, les femmes sont de manière factuelle encore rares ( comme dans l’entrepreneuriat, la recherche scientifique, la composition musicale, le développement logiciel, les engagement dans divers mouvement politiques). Par exemple dans l’école d’ingénieur publique et gratuite que j’ai faite ça n’amusait personne d’avoir seulement 25% de filles, mais cette proportion venait simplement du nombre de candidatures déposées après le Bac. Même au niveau des relations Homme/Femme les femmes se laissent massivement séduire, et laissent l’homme le soin de passer à l’action pour faire le premier pas (ce qui est à mon avis l’action la plus anti-feministe qu’une femme peut avoir). Et j’appelle de mes vœux à ce que tout ça change, mais on ne peut pas le faire à votre place, et il ne faut pas attendre qu’on vous donne l’autorisation, car on ne nous la donne pas non-plus avant d’agir. Et c’est bien cela le plus important: faire les choses sans que l’on nous donne l’autorisation ou que l’on nous donne telle ou telle caractéristique.
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Cet article et les commentaires associés ne vont pas du tout dans le sens de ce que je ressens de la Société actuelle au sujet du féminin et du masculin: celui ci représente le mal(e), le salaud, le bestial, etc… tandis que le feminin, c’est la beauté, la Sainteté, la douceur, le Bien, etc… Actuellement on fabrique des hommes qui ne s’engageront plus avec une femme, car ce seront les hommes, honte à eux, à abattre; la conséquence, c’est qu’il n’y aura bientôt sur le marché de l’Amour que des femmes célibataires, seules, c’est pour celà, en fait que sera bientôt proposée la PMA pour toutes les femmes célibataires, financée par… tous les hommes célibataires laissés sur le carreau: bien vu mesdemoiselle! Je suis veuf, j’ai un fils et une fille, et bien, il n’y AUCUNE raison pour que mon fils et moi nous nous engagions dans une relation affective, les femmes sont très exigeantes et veulent domineer, et pour finir, ce sont des chieuses: qu’elles restent sur Vénus, on se débrouillent très bien sans elles (Sauf le problem des enfants pour mon fils: GPA, versus PMA?)
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